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Une loi de physique vieille de 200 ans vient de s’effondrer à l’échelle atomique, et voici pourquoi c’est une excellente nouvelle

Pendant deux siècles, une règle fondamentale gouvernait l’efficacité de tous les moteurs thermiques de la planète. Puis des physiciens allemands ont découvert que cette loi, établie par le mathématicien français Sadi Carnot, n’était valable que pour le monde macroscopique. À l’échelle atomique, les règles du jeu changent complètement. Les moteurs quantiques peuvent dépasser la limite d’efficacité que nous pensions infranchissable. Cette révélation pourrait transformer notre approche des technologies du futur.

Une loi fondamentale mise en question

Le principe de Carnot est l’une des pierre angulaires de la thermodynamique classique. En 1824, le physicien français Sadi Carnot a établi un principe déterminant : le rendement maximal d’un moteur thermique dépend de la différence de température entre la source chaude et la source froide. Plus cette différence est grande, plus le moteur peut théoriquement fonctionner efficacement. Simple, élégant et vrai… du moins à notre échelle.

Cette loi a gouverné tous les moteurs thermiques que nous connaissons : les turbines à vapeur des centrales électriques, les moteurs à combustion interne des voitures, les climatiseurs. Elle a permis aux ingénieurs pendant deux cents ans de calculer et d’optimiser ces systèmes.

Mais voilà : cette loi avait une limite que personne n’avait osé franchir. Elle ne s’appliquait qu’aux systèmes macroscopiques, à grande échelle. Qu’en était-il si l’on réduisait les moteurs thermiques à la taille d’un atome ?

Quand le quantique change les règles

C’est la question que se sont posée le professeur Eric Lutz et le Dr Milton Aguilar de l’Université de Stuttgart. Leur recherche, publiée dans la revue Science Advances, démontre que le principe de Carnot doit être profondément remanié lorsqu’on descend à l’échelle quantique.

La raison ? À cette échelle microscopique, des phénomènes appelés « corrélations quantiques » entrent en jeu. Il s’agit de liaisons particulières qui se forment entre les particules — des connexions que la physique classique ne prenait pas en compte. Ces corrélations existent dans un vide d’indétermination, un espace où la mécanique quantique domine.

Les physiciens ont établi de nouvelles lois thermodynamiques généralisées qui intègrent ces corrélations. Et c’est là que la magie se produit : les moteurs quantiques ne convertissent plus seulement la chaleur en travail mécanique. Ils peuvent également exploiter ces corrélations quantiques pour produire du travail supplémentaire.

Des moteurs qui dépassent l’impossible

Les implications sont vertigineuses. Selon les chercheurs, les moteurs thermiques fonctionnant à l’échelle atomique peuvent atteindre un rendement supérieur à la limite traditionnelle de Carnot. Ce qui semblait impossible devient réalité.

Imaginez des moteurs si minuscules qu’ils tiendraient dans la paume de votre main — ou plutôt, si petits qu’on ne pourrait les voir qu’au microscope. Des moteurs pas plus gros qu’un atome, capables de fonctionner avec une efficacité surhumaine. C’est le rêve des physiciens et des ingénieurs depuis des années.

Mais cette découverte ne relève pas du domaine purement théorique. Elle ouvre des portes concrètes vers des applications pratiques d’une envergure remarquable.

Moteur quantique
Moteur quantique à deux oscillateurs. Crédit : Science Advances

Les applications de demain

Selon Eric Lutz, ces minuscules moteurs quantiques hautement efficaces pourraient devenir la base de technologies révolutionnaires. Imaginez des nanorobots médicaux capable de naviguer dans le flux sanguin humain pour détecter et traiter les maladies de l’intérieur. Ou des machines capables de manipuler la matière à l’échelle atomique, assemblant des molécules avec une précision jusqu’à présent impossible.

Ces perspectives ne sont pas de la science-fiction éloignée. Elles sont le fruit logique d’une compréhension plus profonde des lois physiques qui gouvernent le monde atomique. Plus les physiciens perfectionnent notre compréhension de ces dimensions microscopiques, plus vite nous pouvons transformer ces connaissances en technologies concrètes.

Une victoire pour la curiosité humaine

Cette découverte incarne l’essence même de la recherche fondamentale. Deux cents ans après Carnot, nous découvrons que sa loi était incomplète. Non pas qu’elle était fausse, mais qu’elle était un cas particulier d’une réalité plus vaste et plus complexe.

C’est un rappel que même les principes que nous considérons comme établis peuvent être enrichis, affinés, ou transformés par de nouvelles compréhensions. Et c’est précisément comme cela que la science progresse : en questionnant constamment ce que nous croyons savoir.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.