Une importante quantité de mercure s’échappe de la calotte du Groenland

rivières Groenland
Crédits : NASA Earth Observatory.

Comme si la fonte de l’inlandsis groenlandais ne se suffisait pas à elle-même, de récentes analyses de l’eau qui s’en échappe ont montré que cette dernière était étonnamment riche en mercure. Les tenants et aboutissants de ces observations ont paru le 24 mai dernier dans la revue Nature.

Partis pour échantillonner l’eau de trois rivières et trois fjords du sud-ouest de l’inlandsis, les scientifiques ne s’attendaient pas à faire une telle observation. En effet, alors qu’ils cherchaient à mieux comprendre comment les nutriments étaient transportés par l’écoulement jusqu’aux écosystèmes côtiers, ils se sont surpris à relever des concentrations de mercure dissous 15 à 150 fois supérieures aux attentes.

Un taux analogue aux rivières des milieux industriels

Alors que la concentration moyenne des rivières s’élève habituellement de 1 à 10 nanogrammes par litre (ng/L), elle atteint plus de 150 ng/L dans les cours d’eau échantillonnés par les chercheurs. Il s’agit d’un des taux les plus élevés jamais enregistrés dans un système naturel et est comparable à celui que l’on retrouve près des grands sites industriels de Chine. En outre, la teneur en mercure particulaire, de l’ordre de 2000 ng/L, fait également partie des plus importantes jamais rapportées dans la littérature spécialisée.

« Naturellement, nous avons des hypothèses sur ce qui conduit à ces concentrations élevées de mercure, mais ces découvertes ont soulevé toute une série de questions auxquelles nous n’avons pas encore de réponses », regrette Rob Spencer, coauteur du papier. « Les glaciers exportent des nutriments vers l’océan, mais la découverte qu’ils peuvent aussi transporter des toxines révèle une dimension préoccupante quant à la façon dont les glaciers influencent la qualité de l’eau et les communautés en aval ».

Inlandsis Groenland mercure
L’eau de fonte, qui s’écoule de la calotte jusqu’à l’océan, abrite une étonnante concentration en mercure dissous et particulaire. Crédits : Wikimedia Commons / Halorache.

Étant donné qu’en contexte de réchauffement global, la quantité d’eau exportée par les glaciers du Groenland augmente, la question se pose de savoir à quel point le transport de mercure est affecté. Il s’agit d’une interrogation sérieuse quand on réalise que ce métal s’accumule dans les poissons et fruits de mer de la région, grandement distribués et commercialisés à travers le monde.

Une source géologique de mercure sous la calotte du Groenland

Notons qu’ici, l’origine du mercure est à chercher du côté du socle rocheux sur lequel repose la calotte. Autrement dit, sa source est parfaitement naturelle et non pas industrielle. « Jusqu’à présent, tous les efforts pour gérer le mercure sont venus de l’idée que les concentrations croissantes que nous avons constatées dans l’environnement proviennent principalement et directement de l’activité humaine, comme l’industrie », indique le coauteur. « Mais le mercure provenant d’environnements sensibles au climat comme les glaciers pourrait être une source beaucoup plus difficile à gérer ».

Ces observations suscitent donc plus de questions que de réponses. Une situation bien illustrée par le résumé de l’étude qui indique que « ces fortes concentrations de mercure et leur grande exportation vers les fjords en aval ont des implications importantes pour les écosystèmes arctiques, soulignant un besoin urgent de mieux comprendre la dynamique du mercure dans le ruissellement de la calotte glaciaire avec le réchauffement climatique ». Affaire à suivre !