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Une IA peut désormais estimer votre âge biologique à partir d’un selfie : révolution ou mirage ?

Et si un simple selfie pouvait révéler votre véritable âge intérieur ? C’est l’ambition d’un nouvel outil d’intelligence artificielle baptisé FaceAge, conçu pour estimer l’âge biologique d’une personne – autrement dit, l’état réel de son corps et sa vitesse de vieillissement – en analysant son visage. Si cette technologie tient ses promesses, elle pourrait révolutionner la manière dont les médecins évaluent la santé de leurs patients… mais de nombreux défis restent à relever.

L’âge biologique, un indicateur plus pertinent que l’âge chronologique

Dans le cadre d’un traitement médical, et en particulier en oncologie, l’âge chronologique – le nombre d’années depuis la naissance – est souvent un critère utilisé pour orienter les décisions thérapeutiques. Pourtant, deux patients du même âge peuvent présenter des états de santé radicalement différents. C’est ici que l’âge biologique entre en jeu : il correspond à l’état physiologique réel du corps, influencé par des facteurs comme le mode de vie, les maladies chroniques, ou encore l’exposition au stress.

Traditionnellement, évaluer la « forme » d’un patient reste un exercice subjectif pour les médecins, notamment pour juger si un patient est capable de supporter un traitement intensif. L’outil FaceAge, développé par une équipe de chercheurs du Mass General Brigham aux États-Unis, propose de transformer cette intuition clinique en une mesure objective grâce à une IA.

Un modèle entraîné sur plus de 58 000 visages

Pour concevoir FaceAge, les chercheurs ont entraîné leur modèle sur plus de 58 000 photos de personnes âgées de 60 ans et plus, supposées être en bonne santé. En analysant les traits du visage, l’IA apprend à prédire un âge apparent, qu’elle assimile à l’âge biologique de la personne.

L’idée : si l’IA estime qu’une personne de 65 ans paraît en avoir 58, c’est peut-être parce que son corps est en meilleur état que la moyenne. Et inversement : une personne de 60 ans qui paraît 68 selon l’IA pourrait présenter une fragilité sous-jacente.

Des résultats prometteurs chez les patients atteints de cancer

Les chercheurs ont ensuite testé FaceAge sur plus de 6 000 patients atteints de cancer. Verdict ? En moyenne, ces patients paraissaient 5 ans plus âgés que leur âge chronologique. Plus impressionnant encore : cette estimation visuelle était bien mieux corrélée à la survie que l’âge réel des patients.

Autrement dit, selon les résultats publiés dans The Lancet Digital Health, plus un patient « paraît » vieux selon l’IA, moins il a de chances de survivre à son traitement, toutes choses égales par ailleurs. FaceAge pourrait ainsi devenir un outil précieux pour guider les décisions médicales, comme adapter l’intensité d’une chimiothérapie ou proposer un suivi renforcé.

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De vraies limites… pour le moment

Malgré ces résultats prometteurs, les chercheurs sont formels : FaceAge n’est pas encore prêt pour une utilisation clinique de routine.

Pourquoi ? Tout d’abord, les données ayant servi à entraîner le modèle proviennent pour une large part de bases comme IMDb ou Wikipédia – autrement dit, de personnes connues, souvent photographiées dans des conditions flatteuses, voire après chirurgie esthétique ou retouche. Ce biais pourrait limiter la généralisation du modèle à des populations plus diverses.

Par ailleurs, le lien entre apparence et santé n’est pas toujours direct. Un visage marqué peut simplement refléter une vie difficile, sans pour autant traduire un état de santé alarmant. Enfin, la mise en œuvre clinique d’un tel outil soulève d’importantes questions éthiques : qui aura accès à ces estimations ? Les assureurs ? Les employeurs ? Des garde-fous doivent impérativement être mis en place avant tout déploiement.

Ce que l’avenir nous réserve

Un essai clinique est en cours pour comparer FaceAge à d’autres méthodes d’évaluation de la fragilité chez les patients atteints de cancer. Parallèlement, les chercheurs cherchent à affiner leur modèle à l’aide de bases de données plus variées, et à comprendre précisément quels traits du visage influencent les prédictions de l’IA.

Si les résultats se confirment, FaceAge pourrait trouver sa place dans les hôpitaux dans les années à venir — non pas pour juger de la beauté ou de l’apparence, mais pour offrir une photographie plus juste de l’état de santé des patients.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.