Une graine pourrait apporter de l’eau propre à des millions de personnes

(à gauche) Graines de M. oleifera non décortiquées, graines décortiquées (au milieu), (à droite) graines broyées avant l'extraction des protéines Crédits : Carnegie Mellon University College of Engineering

Des chercheurs expliquent avoir mis au point un processus qui pourrait bientôt aider à fournir de l’eau potable à des millions de personnes. Le procédé utilise du sable et des matières végétales facilement disponibles dans de nombreux pays en développement, pour créer un milieu de filtration d’eau bon marché et efficace, appelé « f-sable ».

Selon les Nations Unies, 2,1 milliards de personnes n’ont pas accès à des services d’eau potable gérés de manière sûre, principalement dans les pays en développement. Pour traiter le problème, Bob Tilton et Todd Przybycien, de l’Université Carnegie Mellon à Pittsburgh (États-Unis), expliquent avoir mis au point un procédé s’appuyant sur des protéines de la plante Moringa oleifera, un arbre originaire d’Inde qui pousse dans les climats tropicaux et subtropicaux. Il est cultivé pour la nourriture et les huiles naturelles, et les graines sont déjà utilisées pour un type de purification d’eau rudimentaire. Cependant, ce moyen de purification traditionnel laisse derrière lui de grandes quantités de carbone organique dissous (COD), permettant aux bactéries de repousser après seulement 24 heures. Cela ne laisse qu’une petite fenêtre durant laquelle l’eau peut être potable.

L’idée de base, développée par l’étudiante de Bob Tilton, Stephanie Velegol, était de combiner cette méthode de purification de l’eau avec des méthodes de filtration sur sable courantes dans les régions en développement. En extrayant les protéines des graines et en les adsorbant – en les collant – à la surface des particules de silice, principale composante du sable, vous obtenez alors du « f-sable ». C’est un composé capable de tuer les micro-organismes et de réduire la turbidité en adhérant aux particules et aux matières organiques. L’eau est alors propre plus longtemps, et le « f-sable » est prêt à être réutilisé. Si le processus est efficace, il restait beaucoup de questions auxquelles Tilton et Przybycien résolurent de répondre.

Est-ce que l’isolement de certaines protéines des graines de M. oleifera augmente l’efficacité du f-sable ? Les acides gras et les huiles présents dans les graines sont-ils importants pour le processus d’adsorption ? Quelle concentration de protéines est nécessaire pour créer un produit efficace ? Les réponses à ces questions pourraient avoir de grandes implications sur l’avenir de la planète.

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La graine de M. oleifera contient au moins huit protéines différentes. La séparation de ces protéines, un processus connu sous le nom de fractionnement, introduirait une autre étape dans le processus. Avant leur recherche, les auteurs ont émis l’hypothèse que l’isolement de certaines protéines pourrait fournir un produit fini plus efficace. Cependant au cours des essais, Tilton et Przybycien ont constaté que ce n’était pas le cas. Le fractionnement des protéines avait peu d’effet concluant sur la capacité des protéines à s’adsorber sur les particules de silice, ce qui signifiait que cette étape n’était pas nécessaire au processus de création du f-sable. Une bonne chose, car cela permet de réduire les coûts et les exigences de traitement, pour finalement simplifier le processus global.

Vous retrouverez également dans ces graines des acides gras. Les chercheurs étaient donc curieux de savoir si ces composés avaient également un effet sur le processus d’adsorption des protéines. Tout comme le fractionnement, ils ont constaté que l’élimination des acides gras avait peu d’effet sur la capacité d’adsorption des protéines. Cette découverte a également des implications bénéfiques pour ceux qui souhaitent mettre en œuvre ce processus dans les régions en développement. L’huile a en effet une valeur commerciale. Vous pouvez ainsi continuer son commerce tout en étant capable d’extraire les protéines des graines restantes.

Ensuite, quelle serait la concentration de protéines de graines nécessaires pour créer un produit efficace ? La clé pour atteindre la concentration correcte est de s’assurer qu’il y a suffisamment de protéines chargées positivement pour surmonter la charge négative des particules de silice auxquelles elles sont attachées, créant une charge positive nette. Cette charge positive est cruciale pour attirer la matière organique, les particules et les microbes chargés négativement qui contaminent l’eau. Après quelques expériences, ils se sont alors rendu compte qu’il y avait une large gamme de concentrations possible. Les processus de traitement de l’eau peuvent être créés à des concentrations relativement faibles, mais il y a également peu de risque de provoquer accidentellement une contamination de l’eau en dépassant la concentration.

La dureté de l’eau (la quantité de minéraux dissous dans l’eau) doit également être prise en compte. Bien que les laboratoires utilisent souvent de l’eau déminéralisée, dans un processus destiné à être appliqué dans divers environnements réels, les chercheurs doivent se préparer à des conditions d’eau douce et dure. Ils ont ici constaté que les protéines étaient capables de bien adsorber les particules de silice et de coaguler les contaminants en suspension, dans des conditions d’eau douce et dure. Cela signifie que le processus pourrait potentiellement être viable dans un large éventail de régions, indépendamment de la dureté de l’eau.

Dans l’ensemble, les conclusions de cette étude sont donc positives, présentant des avantages majeurs pour ceux qui, dans les pays en développement, recherchent une forme de purification de l’eau financièrement abordable et facilement accessible. Ces travaux pourraient potentiellement ouvrir la voie au déploiement de sable dans les communautés en développement.

Vous retrouverez tous les détails de cette étude dans la revue Langmuir.

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