Une étude sur les dinosaures remet en question la règle de Bergmann

dinosaures règle de Bergmann
Crédits : Orla/iStock

De nouvelles recherches remettent en question la validité de la règle de Bergmann, un principe scientifique établi au 19e siècle. Selon cette règle, les animaux des hautes latitudes et des climats plus frais ont tendance à être plus grands que leurs proches parents vivant dans des climats plus chauds. Cependant, les archives fossiles examinées dans le cadre de cette étude ont révélé des résultats contradictoires.

Le concept de régulation thermique

La règle de Bergmann est un principe écologique énoncé au 19e siècle par le biologiste allemand Carl Bergmann. Cette règle postule qu’au sein d’une même espèce ou d’un groupe de taxons étroitement apparentés, les individus qui peuplent des régions aux températures plus froides ont tendance à être plus grands que ceux des populations qui vivent dans des régions aux températures plus chaudes. Cette règle s’applique souvent aux mammifères et aux oiseaux, mais elle a également été étudiée chez d’autres groupes d’organismes.

La théorie derrière la règle de Bergmann repose sur le concept de régulation thermique. Selon cette théorie, les animaux de grande taille ont un rapport surface/volume plus faible, ce qui signifie qu’ils perdent moins de chaleur par rapport à leur volume corporel. Dans des environnements froids, cette adaptation est avantageuse, car elle aide à maintenir la température corporelle des animaux dans des limites fonctionnelles. En revanche, dans des environnements plus chauds, une plus petite taille corporelle peut être avantageuse pour éviter la surchauffe.

mammouths règle de Bergmann
Crédits : Daniel Eskridge/iStock

D’autres facteurs en jeu

Notez que si la règle de Bergmann a été largement observée chez de nombreux groupes d’organismes, elle n’est pas universelle. D’autres facteurs peuvent également influencer la taille corporelle des animaux, comme la disponibilité des ressources alimentaires et la pression de prédation. Dans des environnements où les ressources sont abondantes et la pression de prédation est faible, les animaux peuvent en effet avoir tendance à être plus grands en raison des avantages de compétition pour les ressources et de défense contre les prédateurs. En revanche, dans des environnements où les ressources sont rares et la pression de prédation est élevée, les animaux peuvent être plus petits pour minimiser les besoins énergétiques et échapper aux prédateurs plus efficacement.

L’histoire évolutive d’une espèce peut aussi jouer un rôle dans sa taille corporelle. Les pressions évolutives exercées par l’environnement au fil du temps peuvent en effet entraîner des adaptations spécifiques qui ne suivent pas nécessairement la règle de Bergmann. Par exemple, certaines espèces peuvent avoir évolué pour devenir plus petites en raison de contraintes liées à la disponibilité des ressources ou à la compétition interspécifique.

En plus de la règle de Bergmann, d’autres principes écologiques peuvent également influencer la taille corporelle des animaux en fonction du climat. Par exemple, la règle d’Allen stipule que les animaux des régions froides ont tendance à avoir des membres plus courts que ceux des régions chaudes, ce qui réduit la perte de chaleur corporelle. Ces règles peuvent interagir de manière complexe avec la règle de Bergmann et contribuer à la variation de taille corporelle observée dans la nature.

Une étude remet en cause cette règle bien établie

Malgré les exceptions, la règle de Bergmann reste un concept important en écologie et en biologie évolutive. C’est pourquoi elle continue d’être étudiée et discutée par les scientifiques dans le cadre de la compréhension de la variation géographique de la taille corporelle des animaux. Récemment, des chercheurs de l’Université d’Alaska et de l’Université de Reading se sont penchés sur le cas des dinosaures. Étaient-ils eux aussi soumis à cette règle de la nature ?

Pour le savoir, l’équipe a analysé des centaines de données provenant des archives fossiles, en particulier celles provenant de la formation Prince Creek, en Alaska. Nous savons qu’à l’époque des dinosaures, les températures locales étaient déjà glaciales. La région essuyait également régulièrement des chutes de neige. Cependant, malgré ces conditions environnementales rigoureuses, aucune augmentation significative de la taille corporelle des dinosaures arctiques n’a été observée.

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Les dinosaures Nanuqsaurus (debout à l’arrière-plan) et pachyrhinosaurus (crâne au premier plan) faisaient partie des espèces de dinosaures incluses dans l’étude. Crédits : James Havens

Les chercheurs ont ensuite tenté la même évaluation avec des mammifères et des oiseaux modernes, descendants de mammifères et de dinosaures préhistoriques. Les résultats étaient en grande partie les mêmes. Il existait une légère relation entre la taille du corps des oiseaux modernes et la température, mais il n’en était pas de même pour les oiseaux préhistoriques.

De manière plus générale, les chercheurs ont constaté que la règle de Bergmann n’est en réalité applicable qu’à un sous-ensemble d’animaux homéothermes (ceux qui maintiennent une température corporelle stable), et seulement lorsque l’on considère la température en ignorant toutes les autres variables climatiques. Cela suggère que la théorie de Bergmann est finalement plus l’exception que la règle.

Les résultats de cette étude soulignent que la règle de Bergmann, bien qu’importante historiquement, n’est pas universelle et est sujette à des exceptions significatives. Les variations dans la taille corporelle des animaux ne semblent pas être uniquement dictées par la température, mais plutôt par un ensemble complexe de facteurs environnementaux, biologiques et évolutifs. Cela remet en perspective l’application de ce principe et appelle à une vision plus nuancée de la manière dont les organismes s’adaptent à leur environnement. Ces découvertes ouvrent la voie à de nouvelles recherches sur l’influence des interactions entre le climat et la biologie des espèces.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Nature Communications.