Une échelle de classification universelle pour les rivières atmosphériques

Rivière atmosphérique orientée vers l'Europe de l'Ouest le 11 mars 2023. Crédits : tropic.ssec.wisc.edu.

Les rivières qui jonchent la surface des continents ont leurs équivalents célestes. Ces rivières atmosphériques, qui peuvent conduire à des inondations et des glissements de terrain, sont sujettes à un intérêt scientifique et sociétal croissant au point qu’une échelle de classification a été développée. Initialement conçue pour l’Ouest américain, des chercheurs ont généralisé son applicabilité au niveau mondial dans la perspective d’une utilisation opérationnelle. Les résultats ont été publiés dans JGR Atmospheres.

Les rivières atmosphériques constituent d’imposants corridors de transport de vapeur d’eau qui prennent leur source dans les régions tropicales et s’écoulent vers les moyennes et hautes latitudes. D’une largeur inférieure à 850 kilomètres, elles s’étendent habituellement sur plus de 2000 kilomètres de long. Ces dimensions typiques confèrent aux rivières atmosphériques un aspect de filament comme on peut le voir sur l’animation ci-dessous.

rivières atmosphériques
Contenu de l’air en eau précipitable le 11 mars 2023. On identifie une rivière atmosphérique prenant sa source dans les Caraïbes et s’étirant jusqu’en Europe de l’Ouest. Crédits : tropic.ssec.wisc.edu.

Selon le glossaire de l’American Meteorological Society (AMS), « les rivières atmosphériques sont les plus grands fleuves d’eau douce de la planète, transportant en moyenne plus du double du débit du fleuve Amazone ». Par conséquent, elles sont souvent associées à des épisodes pluvieux de grande ampleur, en particulier lorsqu’elles rencontrent un relief. Ce sont par exemple des rivières atmosphériques qui sont à l’origine des précipitations extrêmes que connaît la Californie ces dernières semaines.

Une échelle de classification universelle

Compte tenu de leurs impacts majeurs sur la météorologie des moyennes et hautes latitudes, une échelle de classification des rivières atmosphériques a été élaborée. Comme celle de Saffir-Simpson dédiée aux cyclones tropicaux, l’échelle classe les rivières en fonction de leur intensité et donc de leurs impacts socio-économiques potentiels (en particulier en termes d’inondations et de glissements de terrain). Cette procédure qui vise à mieux informer les acteurs et la population est d’autant plus pertinente dans un contexte de réchauffement climatique et d’augmentation du contenu de l’air en vapeur d’eau.

La classification se base sur la durée et la quantité de vapeur d’eau transportée par les rivières. Elle s’étend de la catégorie AR-1 pour les plus diffuses (essentiellement bénéfiques en termes d’apport en eau) à la catégorie AR-5 pour les plus intenses (essentiellement dangereuses avec de faibles bénéfices). Si l’échelle a initialement été conçue pour l’Ouest américain, les chercheurs ont généralisé son applicabilité au niveau mondial en vue d’une utilisation opérationnelle de manière à ce qu’elle puisse être employée pour toutes les régions exposées aux rivières atmosphériques comme l’Europe de l’Ouest ou l’Asie du Sud.

Échelle de classification d’intensité des rivières atmosphériques basée sur la quantité de vapeur d’eau (axe vertical) et la durée (axe horizontal). Crédits : AGU.

La climatologie des rivières atmosphériques

Les auteurs fournissent en outre de nombreuses informations sur la climatologie des différentes catégories de rivières atmosphériques telles que les zones de genèse, de dissipation ou encore leur variabilité temporelle. Par exemple, les plus intenses (AR-5) ne surviennent qu’une fois tous les deux à trois ans en moyenne globale, aspirent l’humidité depuis des latitudes plus basses et la transportent plus efficacement vers les pôles. Elles sont également plus susceptibles de se produire lors des années El Niño.

« Cette étude est un premier pas pour faire de l’échelle de classification des rivières atmosphériques un outil utile à l’échelle mondiale pour les météorologues et les urbanistes », souligne Bin Guan, auteur principal de l’étude. « En cartographiant les empreintes de chaque rivière atmosphérique à l’échelle mondiale, nous pouvons commencer à mieux comprendre les impacts sociétaux de ces événements dans de nombreuses régions différentes ».