Imaginez une pierre errante, venue des confins de la galaxie, traversant silencieusement notre système solaire à une vitesse vertigineuse. Ce n’est pas de la science-fiction : en ce moment même, un objet spatial nommé A11pl3Z fait exactement cela. Et les astronomes sont aux aguets.
Découvert à la toute fin du mois de juin 2025 par le système ATLAS (Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System), un réseau de télescopes situés à Hawaï et en Afrique du Sud, A11pl3Z intrigue par sa trajectoire et sa vitesse. Il ne ressemble à rien de ce qu’on a l’habitude de voir : ce gigantesque astéroïde ou comète, d’environ 20 kilomètres de diamètre, file à près de 245 000 km/h, depuis une direction lointaine dans la Voie lactée… et ne semble pas vouloir s’arrêter.
Un objet interstellaire, vraiment ?
Ce qui passionne la communauté scientifique, ce n’est pas tant la taille ou la vitesse de l’objet — bien que ces caractéristiques soient impressionnantes — mais plutôt sa provenance. Les premiers calculs montrent que sa trajectoire ne semble pas liée au champ gravitationnel du Soleil, ce qui laisse penser qu’il vient de l’extérieur du système solaire.
Autrement dit, A11pl3Z pourrait bien être un objet interstellaire — l’un de ces rares voyageurs venus d’autres systèmes stellaires, qui traversent le nôtre comme un touriste pressé.
Si cela se confirme, il ne s’agirait que du troisième cas documenté de ce type :
En 2017, ‘Oumuamua avait surpris tout le monde avec sa forme allongée et ses mouvements inexplicables, poussant certains chercheurs à envisager l’hypothèse — controversée — d’un artefact extraterrestre.
En 2019, la comète 2I/Borisov avait confirmé l’existence d’objets interstellaires naturels.
Une trajectoire déjà bien suivie
Actuellement, A11pl3Z est situé à environ 3,8 unités astronomiques du Soleil (soit 3,8 fois la distance Terre-Soleil). Il devrait passer relativement près de Mars le 3 octobre, puis atteindre son périhélie — son point le plus proche du Soleil — le 23 octobre. Ensuite, il poursuivra son chemin vers les confins du système solaire, sans jamais revenir.
À son passage le plus proche, la Terre sera de l’autre côté du Soleil, ce qui écarte totalement tout risque de collision. Mais cela ne veut pas dire que les astronomes vont le laisser filer sans tenter de l’étudier sous toutes les coutures.

Une occasion unique pour la science
La chance, cette fois, c’est que nous avons de meilleurs outils qu’en 2017 ou 2019 pour observer un tel phénomène.
Le télescope Vera C. Rubin, le plus puissant télescope optique du monde, sera sans doute pleinement opérationnel lors du passage rapproché d’A11pl3Z. Sa spécialité ? Repérer les objets en mouvement rapide — comme les astéroïdes ou les intrus interstellaires. C’est donc un candidat idéal pour capter un maximum de données.
Mais ce n’est pas tout. Des scientifiques suggèrent aussi d’utiliser :
Les rovers martiens de la NASA, pour capturer des images de l’objet depuis Mars, lors de son passage rapproché.
Le télescope spatial James Webb, capable de détecter d’éventuelles variations de vitesse ou de trajectoire inexpliquées — des signes qui, dans le cas d’’Oumuamua, avaient nourri les théories les plus audacieuses.

Une sonde extraterrestre ? Pas si vite…
Avi Loeb, astrophysicien de l’université de Harvard et célèbre pour avoir avancé l’idée que ‘Oumuamua pourrait être d’origine artificielle, revient sur le devant de la scène. Il propose de scruter A11pl3Z à la recherche d’indices d’une technologie cachée. Une accélération non gravitationnelle, par exemple, pourrait trahir l’usage d’un système de propulsion. Mais pour l’instant, rien ne permet de valider cette hypothèse, qui reste hautement spéculative.
L’hypothèse la plus probable est que nous avons affaire à un fragment rocheux naturel, éjecté d’un système planétaire lointain il y a des millions, voire des milliards d’années. Mais tant qu’il reste des inconnues, les scientifiques resteront vigilants… et curieux.
Un rappel de notre place dans l’univers
L’observation d’un objet interstellaire comme A11pl3Z est bien plus qu’un simple événement astronomique. C’est un pont entre notre monde et l’inconnu, une preuve tangible que le système solaire n’est pas un îlot isolé, mais un carrefour galactique occasionnellement traversé par des messagers venus d’ailleurs.
En étudiant ces visiteurs furtifs, nous pourrions non seulement mieux comprendre la dynamique des systèmes planétaires, mais aussi — qui sait — approcher les mystères de la matière interstellaire, ou même obtenir des indices sur la formation d’autres mondes.
Et avec un peu de chance, A11pl3Z pourrait être le mieux observé de tous ces intrus galactiques. Ce qui en ferait un voyageur venu d’ailleurs… porteur de réponses.