vitesse lumière
Crédits : ko_orn/istock

Un vaisseau frôlant la vitesse de la lumière provoquerait cette étrange illusion visuelle !

Imaginez un vaisseau passant à toute vitesse devant vous, à 90 % de la vitesse de la lumière. Non seulement il vous semblerait incroyablement rapide, mais il aurait aussi l’air… tordu. Comme s’il pivotait en plein vol, ou changeait de forme sous vos yeux. Une illusion ? Pas vraiment. C’est un phénomène bien réel, prédit par la relativité restreinte d’Albert Einstein et récemment simulé en laboratoire : l’effet Terrell-Penrose.

Quand la lumière prend du retard

La relativité restreinte, formulée en 1905, bouleverse notre intuition. À très haute vitesse, le temps ralentit (c’est la dilatation du temps), les longueurs se contractent (contraction des longueurs) et, surtout, ce que nous voyons d’un objet en mouvement extrême n’est plus fidèle à sa forme réelle.

Mais pourquoi cet effet de rotation visuelle ? Tout simplement parce que la lumière provenant des différentes parties d’un objet ne nous parvient pas en même temps. Lorsqu’un cube ou une fusée se déplace à une vitesse proche de celle de la lumière, la lumière émise par ses parties les plus éloignées met plus de temps à arriver à nos yeux que celle émise par les parties plus proches. Résultat : l’image que nous percevons est comme « recollée » de façon biaisée, donnant l’impression que l’objet est tourné ou déformé.

Ce phénomène a été proposé pour la première fois en 1959 par les physiciens James Terrell et Roger Penrose. Mais jusqu’à récemment, il restait purement théorique. Car faire voyager un objet, même petit, à une vitesse proche de celle de la lumière ? Mission impossible avec nos moyens actuels.

Un laboratoire où la lumière est ralentie

Pour contourner ce problème, une équipe de chercheurs autrichiens de la TU Wien et de l’Université de Vienne a eu une idée brillante : simuler un monde où la lumière se déplace… à 2 mètres par seconde. Autrement dit, ralentir virtuellement la lumière pour recréer les conditions de la relativité, mais à l’échelle d’une expérience de laboratoire.

Les étudiants Dominik Hornoff et Victoria Helm ont ainsi conçu une expérience ingénieuse. Ils ont déplacé un cube et une sphère dans leur labo, puis les ont éclairés avec des flashs laser ultra-brefs, enregistrant les réflexions avec une caméra capable de capturer des images en trillionièmes de seconde. Ensuite, ils ont combiné ces images comme si la lumière se déplaçait très lentement, imitant les effets visuels attendus pour des objets voyageant à 80 ou 99,9 % de la vitesse de la lumière.

Le résultat ? Le cube semble pivoté et déformé. La sphère reste une sphère, mais son pôle Nord semble déplacé. Exactement ce que prédit l’effet Terrell-Penrose. En résumé, c’est la première fois qu’on “voit” ce que verrait un observateur dans un univers relativiste.

Quand la réalité se tord

Il faut bien comprendre que cette rotation apparente n’est pas une vraie torsion physique. L’objet reste identique dans son propre référentiel. Ce que nous voyons est une conséquence de la manière dont la lumière nous parvient – une sorte de distorsion de perception dictée par la physique.

Ce phénomène est un rappel saisissant que notre intuition, forgée à basse vitesse et dans des conditions ordinaires, échoue dès qu’on s’approche des extrêmes. Ce que nous voyons n’est pas nécessairement ce qui est. L’effet Terrell-Penrose montre que même une simple photo d’un objet peut devenir un casse-tête relativiste, dès lors que les vitesses impliquées frôlent celles de la lumière.

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Les images montrant comment les objets se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière apparaissent inversés. L’image a) est une image d’étalonnage du cuboïde. L’image b) montre la rotation de plusieurs images d’une sphère contractée se déplaçant à 99,9 % de la vitesse de la lumière. L’image c) montre la rotation du cube. Crédit image : Hornoff et al (2025

Des implications fascinantes

Cette démonstration expérimentale ouvre la voie à de nouvelles façons de visualiser des concepts de physique complexes, en particulier pour l’enseignement ou la vulgarisation. Elle offre aussi une illustration frappante de ce que « relativité » veut vraiment dire : la réalité dépend du point de vue.

Dans un futur hypothétique, si un vaisseau spatial atteignait des vitesses relativistes, ses passagers ne verraient pas l’espace comme nous. Les étoiles, les planètes, même la forme de leur propre vaisseau leur apparaîtraient modifiées. Ce monde à haute vitesse serait un théâtre d’illusions optiques physiques, où chaque image cache un décalage temporel.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.