Le serpent amazonien Spilotes sulphureus possède dans son venin des toxines propres aux proies auxquelles il s’attaque. L’une foudroie spécifiquement les reptiles, l’autre tue les mammifères. La particularité de son venin semble être issue de l’adaptation.
Brève description du serpent Spilotes sulphureus
Le serpent Spilotes sulphureus – de la famille des Colubridae – vit en Amazonie. À taille adulte, il avoisine les 2 mètres de longueur, et lorsqu’il doit s’attaquer à de grosses proies, il peut utiliser la constriction. En revanche lorsque ses victimes sont plus petites, il s’appuie sans hésitation sur son surprenant venin, car celui-ci possède une toxine spéciale pour les mammifères, et une autre pour lézards et oiseaux. C’est ce que démontrent les chercheurs de cette étude parue dans la revue Proceedings of the Royal Society.
Un venin, trois toxines
Afin d’en arriver à ces résultats, ils ont dans un premier temps extrait manuellement le venin du serpent. Après analyses, 3 toxines présentes en abondance ont pu être identifiées : la sumoltoxine 1, la sumoltoxine 2, ainsi que la sulditoxine.
Ensuite, les scientifiques ont inoculé les différentes toxines à des geckos et des souris. Et ils ont pu ainsi mettre en évidence que chaque toxine du venin correspondait à un animal en particulier. En effet, la sulditoxine tue les geckos, mais les souris ne subissent pas d’effets indésirables – même lorsque la dose est fortement augmentée. A contrario, les souris pâtissent de la toxicité de la sulmotoxine 1, contrairement aux geckos qui cette fois-ci n’ont rien. Mais la sulmotoxine 2 n’a eu aucun effet sur les deux espèces de l’expérience. Selon la chercheuse Cassandra M. Modhal de l’Université du Nothern Colorado (États-Unis) c’est une première : «C’est, à notre connaissance, la première fois que l’on montre que les protéines du venin d’un serpent ont une toxicité bimodale et contrastée, en lien avec le régime alimentaire ».
«… il est peu probable que Spilotes sulphureus puisse sécréter des toxines spécifiques… »
En revanche, les chercheurs pensent que le serpent injecte tout de même à ses proies les 3 toxines d’un coup. C’est ce qu’explique Stephen P. Mackessy, co-auteur de l’étude « en se basant sur les autres venins de serpent et sur les différents modèles de sécrétion des glandes venimeuses, il est peu probable que Spilotes sulphureus puisse sécréter des toxines spécifiques aux mammifères lorsqu’il se nourrit de mammifères, et des toxines spécifiques aux lézards lorsqu’il se nourrit de lézards». Mais, il rajoute tout de même que «nous ne l’avons pas démontré, alors la possibilité d’une sécrétion sélective, bien qu’improbable, demeure ».
Comment s’explique cette particularité ?
Il est tout à fait légitime de se demander pourquoi Spilotes sulphureus n’a pas un venin du même style que ses congénères, avec une seule toxine pour tous types de proies. Les scientifiques y répondent de la manière suivante : «Il semble que la toxine spécifique aux lézards soit une caractéristique commune à beaucoup d’espèces de serpents à crochets arrière, et représente l’état ancestral tandis que les protéines qui ciblent les mammifères constitueraient un état plus récent. Ceci souligne l’importance du régime alimentaire et des stratégies de prédation dans l’évolution des toxines de serpent : Spilotes sulphureus se nourrit préférentiellement d’oiseaux et de lézards mais peut également manger des mammifères pour compléter son régime grâce à son venin ».
Ainsi, les auteurs s’accordent à dire que ce type de venin est « un exemple classique d’adaptation via la duplication de gènes et la néofonctionnalisation d’une protéine de venin. Ce phénomène permet d’élargir la palette de proies ».
Sources : Science et Avenir – Bio scène
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