Une étude récente annonce la découverte d’un important réservoir d’eau douce piégé sous la croûte terrestre depuis environ six millions d’années, sous la chaîne de montagnes en Sicile. La formation de ce plan d’eau remonte à la crise de salinité messinienne, une période au cours de laquelle la mer Méditerranée s’est asséchée en raison d’un refroidissement global.
Une croûte exposée
La crise de salinité messinienne, survenue il y a environ 7,2 à 5,3 millions d’années, représente une période significative de l’histoire de la Terre caractérisée par des bouleversements majeurs dans le système marin de la mer Méditerranée. Ce phénomène exceptionnel découle d’une combinaison complexe de changements climatiques mondiaux et de modifications géologiques.
Au cours de cette crise, la mer Méditerranée a connu une dessiccation spectaculaire qui a résulté en un abaissement considérable de son niveau. L’événement a été déclenché par un refroidissement global qui a entraîné la formation de calottes glaciaires et de glaciers, ce qui a ainsi emprisonné une grande quantité d’eau des océans. En conséquence, le niveau de la mer a chuté d’environ 2 400 mètres en dessous des niveaux actuels dans certaines parties de la Méditerranée.
L’exposition des fonds marins à l’atmosphère a finalement créé un environnement propice à l’infiltration de l’eau de pluie dans la croûte terrestre, menant parfois à la formation de réservoirs souterrains appelés aquifères.
Le processus de dessiccation méditerranéenne a été suivi d’une phase de réinondation rapide, marquant la fin de la crise messinienne. Le niveau de la mer a connu une élévation extrêmement rapide, rapportant de l’eau de mer dans la Méditerranée.
Un réservoir vieux de six millions d’années
L’impact de la crise de salinité messinienne a donc laissé des traces importantes dans la géologie de la région méditerranéenne. Les réservoirs souterrains formés pendant cette période en sont la preuve. Récemment, des chercheurs ont d’ailleurs identifié la présence de l’un de ces plans d’eau douce, formé il y a environ six millions d’années.
La découverte a été faite dans la formation Gela, située au sud de la Sicile, qui abrite plusieurs puits profonds et est connue pour ses réserves de pétrole. En utilisant des données accessibles au public provenant de ces puits, les chercheurs ont pu construire des modèles 3D de l’aquifère et estimer qu’il contient environ 17,5 kilomètres cubes d’eau. À titre de comparaison, cela représente plus du double du volume du Loch Ness en Écosse.
Une possible voie de connexion
Les chercheurs ont également identifié l’escarpement de Malte, une falaise sous-marine connue comme un conduit potentiel pour le transfert d’eau météorique (eau de pluie et de neige) des fonds marins de la Méditerranée vers la formation Gela. En d’autres termes, l’escarpement pourrait avoir agi comme une voie de connexion entre les eaux de surface de la Méditerranée et les couches souterraines de la région. Cette connexion aurait permis à l’eau de pluie de pénétrer profondément dans la croûte terrestre et de former l’aquifère souterrain découvert récemment.
La fin de la crise de salinité il y a un peu plus de cinq millions d’années aurait finalement modifié les conditions de pression dans la région, désactivant ainsi le mécanisme de formation de la réserve. Il est également possible que des sédiments et des dépôts minéraux aient obstrué le conduit le long de l’escarpement de Malte au fil des millions d’années.
La bonne nouvelle est que ces réservoirs, qui représentent des vestiges géologiques intrigants, suscitent également un intérêt croissant en tant que sources potentielles d’eau douce exploitables pour répondre aux besoins contemporains.
Les implications de cette découverte s’étendent au-delà de la simple compréhension de notre passé géologique : elles ouvrent également de nouvelles perspectives pour la gestion des ressources en eau à l’avenir. L’accès à ces réserves souterraines pourrait potentiellement atténuer les problèmes de pénurie d’eau dans les régions touchées par le changement climatique. Toutefois, des études supplémentaires sont nécessaires pour évaluer la faisabilité de leur exploitation, tout en tenant compte des impacts environnementaux que cela pourrait engendrer. Cette recherche souligne ainsi l’importance de l’innovation scientifique pour anticiper et répondre aux besoins futurs en ressources naturelles.
Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Communications Earth & Environment.