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Un réchauffement de seulement 2 °C au pôle Sud serait suffisant pour enclencher une désintégration partielle de la calotte de l’Antarctique de l’Est

Crédits : Wikimedia Commons

La plus grosse masse de glace présente sur terre – la calotte de l’Antarctique de l’Est – serait plus sensible au réchauffement climatique qu’estimé précédemment, selon une nouvelle étude internationale. Les résultats sont basés sur l’analyse de sédiments marins couvrant plus de 450 000 ans. Ils indiquent qu’un réchauffement du pôle Sud de seulement 2 °C par rapport à la période préindustrielle serait suffisant pour provoquer une désintégration de certaines portions de l’inlandsis oriental, si celui-ci est maintenu pendant une durée suffisamment longue. À elle seule, cette perte de masse partielle contribuerait à élever le niveau des mers de plusieurs mètres.

À mesure que la planète se réchauffe, la plupart des surfaces glacées présentes sur la planète régressent, et le niveau de la mer s’élève en conséquence. En Antarctique, c’est surtout l’évolution de la partie ouest de la calotte polaire qui concentre l’attention des scientifiques. De par sa position sur un socle rocheux situé en grande partie sous le niveau de la mer, elle se trouve dans un équilibre instable. Si le recul du front glaciaire arrive à une certaine limite, il peut enclencher une rétroaction positive qui va dramatiquement amplifier le recul initial et conduire à un effondrement potentiel d’une partie de la calotte. Ces instabilités restent encore aujourd’hui un sujet de recherche majeur car assorties de nombreuses incertitudes. Ceci est d’autant plus vrai que la perte de masse en Antarctique de l’Ouest s’accélère rapidement, et représente actuellement la contribution principale de l’Antarctique à la hausse du niveau des mers.

A contrario, la partie orientale de la calotte polaire se situe sur un socle rocheux majoritairement situé au-dessus du niveau de la mer, à plus grande altitude et est donc comparativement plus stable. Par conséquent, malgré sa masse énorme, l’inlandsis de l’Antarctique de l’Est a tendance à être considéré comme assez peu sensible au réchauffement climatique. Une nouvelle étude publiée ce 19 septembre dans la revue scientifique Nature vient toutefois bousculer cette vision de plus en plus caduque, en mettant en évidence la sensibilité importante de certaines zones de la partie est de la calotte antarctique. Les chercheurs se sont concentrés sur le bassin sous-glaciaire de Wilkes, dont les dimensions s’élèvent à près de 1400 kilomètres de long et 400 kilomètres de large. Dans cette région, la calotte a la particularité d’être posée sur un socle rocheux se situant sous le niveau de la mer. Les instabilités qui ont été mentionnées dans le paragraphe précédent pour la partie ouest de l’inlandsis peuvent donc également s’y développer.

En analysant les sédiments déposés sur le plancher océanique au cours des 450 000 dernières années, l’équipe de scientifiques est arrivée à la conclusion que la calotte s’était rétractée à cet endroit durant certains âges interglaciaires passés – à des moments où la température moyenne en Antarctique n’était qu’environ 2 à 3 degrés plus élevée qu’elle ne l’était avant l’ère industrielle. Il s’avère ainsi que la partie est du continent a contribué de façon significative à la hausse du niveau des océans à ces époques – une hausse qui aurait atteint les 6 à 13 mètres, notamment durant les périodes interglaciaires d’il y a 125 000 et 400 000 ans. Le processus s’articulerait toutefois à une échelle temporelle de l’ordre d’un ou deux milliers d’années, mais qui, une fois enclenché, serait quasiment irréversible.

« Ce que nous avons appris est que même un réchauffement modeste de seulement deux degrés, s’il est maintenu pendant quelques milliers d’années, est suffisant pour provoquer le retrait de l’inlandsis de l’Antarctique de l’Est dans certaines de ses zones reposant sur un socle rocheux à basse altitude », a déclaré David J. Wilson, auteur principal de l’étude. Notons qu’une désintégration même partielle de la calotte orientale du continent contribuerait à élever le niveau des mers de plusieurs mètres, ce qui serait déjà largement suffisant pour redéfinir le trait des côtes dans de nombreux endroits autour du globe. « Avec des températures mondiales actuelles déjà supérieures d’un degré à celles de la période pré-industrielle, la perte de glace future semble inévitable si nous ne parvenons pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre ».

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Damien Altendorf, expert nature et climat

Rédigé par Damien Altendorf, expert nature et climat

Habitant du Nord-est de la France, je suis avant tout un grand passionné de météorologie et de climatologie. Initialement rédacteur pour le site "Monsieur Météo", je contribue désormais à alimenter celui de "Sciencepost".