Et si un minuscule parasite, transmis par nos chats ou par de la viande mal cuite, jouait un rôle caché dans l’augmentation de l’infertilité masculine ? C’est l’hypothèse, dérangeante mais scientifiquement sérieuse, que soulèvent plusieurs études récentes portant sur Toxoplasma gondii, un parasite bien plus commun — et peut-être plus dangereux — qu’on ne l’imaginait.
Le coupable est partout
Toxoplasma gondii est un parasite microscopique capable d’infecter pratiquement tous les animaux à sang chaud. Il est estimé que 30 à 50 % de la population mondiale en est déjà infectée, souvent sans le savoir. Chez l’humain, l’infection est généralement bénigne, voire asymptomatique, sauf chez les personnes immunodéprimées ou les femmes enceintes, pour qui elle peut être grave.
Les voies de contamination sont multiples :
Crottes de chats infectés (notamment lors du nettoyage de la litière)
Viande mal cuite (notamment le porc, le mouton ou le gibier)
Eau ou légumes contaminés
Parfois même des fruits de mer mal nettoyés
Les chats jouent un rôle central, car ils sont les seuls hôtes dans lesquels le parasite peut se reproduire sexuellement, libérant des œufs microscopiques très résistants dans leurs excréments.
Des testicules à l’éprouvette : le parcours étonnant du parasite
Jusqu’ici, Toxoplasma gondii était surtout connu pour son affinité avec le cerveau, où il peut former des kystes chroniques. Mais des travaux récents révèlent qu’il envahit également les testicules. Chez la souris, des images montrent que le parasite migre vers ces organes quelques jours seulement après l’infection, en plus du cerveau et des yeux.
Le professeur Bill Sullivan, microbiologiste à l’université de l’Indiana, rappelle que le parasite a été retrouvé dans la prostate et l’éjaculat de nombreux animaux infectés — soulevant au passage la possibilité d’une transmission sexuelle.

Décapitation express du sperme humain
Mais ce qui a récemment attiré l’attention, c’est une expérience troublante : dans une étude parue dans The FEBS Journal, des chercheurs ont observé ce qui se passe lorsque du sperme humain est mis en contact direct avec le parasite dans un tube à essai. Résultat ? En seulement 5 minutes, 22,4 % des spermatozoïdes étaient décapités.
Et ce n’est pas tout : ceux qui survivaient à la décapitation présentaient souvent des anomalies structurelles, comme des têtes perforées ou des queues tordues. Bref, une rencontre qui laisse des traces.
Un lien avec l’infertilité masculine ?
Cette découverte vient compléter d’autres observations inquiétantes. Une étude de 2021, portant sur 163 hommes infectés, a révélé que 86 % d’entre eux avaient un sperme anormal. Et dès 2002, une étude en Chine montrait que les couples infertiles avaient près de trois fois plus de risques d’être porteurs du parasite que les couples fertiles.
Alors, Toxoplasma gondii serait-il l’un des facteurs de l’augmentation de l’infertilité masculine observée depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays ? Peut-être. Mais la prudence est de mise.
Une pièce d’un puzzle plus vaste
Selon Sullivan, les taux de toxoplasmose n’ont pas nécessairement augmenté dans les pays où la fertilité masculine est en chute libre. Le parasite pourrait donc n’être qu’un facteur parmi d’autres : pollution, perturbateurs endocriniens, stress, mode de vie…
Mais une chose est sûre : ce nouveau lien entre sperme et parasite mérite d’être exploré sérieusement. Si la causalité était confirmée, cela ouvrirait la voie à de nouvelles approches de prévention de l’infertilité — via des tests de dépistage et une meilleure éducation sanitaire.
Que peut-on faire concrètement ?
En attendant, des gestes simples peuvent réduire les risques d’infection :
Cuire suffisamment la viande (au moins à 67 °C à cœur)
Laver soigneusement les fruits, légumes et surfaces de cuisine
Porter des gants lors du jardinage
Nettoyer la litière du chat avec précaution (et idéalement, pas pendant la grossesse)
En conclusion
On connaissait Toxoplasma gondii pour ses effets sur le cerveau et son rôle potentiel dans des troubles du comportement. On découvre aujourd’hui qu’il pourrait aussi s’attaquer à la fertilité masculine — et ce, de manière aussi spectaculaire que préoccupante. Est-ce une des clés du mystère de l’infertilité moderne ? Peut-être pas la seule, mais sûrement une piste à ne pas négliger.
