Un nouveau décret permet-il de vendre son animal à un laboratoire ?

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Crédits :izanbar / iStock

Suite à un décret pris le 17 mars concernant les animaux utilisés en laboratoires, la Fondation 30 Millions d’amis s’insurge et évoque un « retour en arrière inadmissible » qui permettrait de vendre son animal à un laboratoire. Une modification sujette à interprétation qui n’est pas vue de la même manière par toutes les associations.

Quelques progrès…

Plusieurs millions d’animaux sont utilisés chaque année par les laboratoires pour tester diverses molécules. Ces tests, permettant d’étudier les effets de certains médicaments ou vaccins en amont des premiers essais cliniques, ont permis de révolutionner la recherche en médecine au cours de ces dernières décennies.

Néanmoins, la question de l’éthique anime aujourd’hui de plus en plus de monde. En ce sens, des progrès ont été réalisés.

En Europe, une directive de 2010 autorise « que les animaux utilisés ou destinés à être utilisés dans des procédures soient placés ou relâchés dans un habitat approprié ou un système d’élevage approprié à l’espèce« .

Dans les faits, beaucoup ne trouvent pas preneurs, faute de capacité d’accueil. Néanmoins, les associations de protection animale avaient à l’époque salué la démarche. Pour les intéressés, n’hésitez pas à vous renseigner ici.

Récemment, la Food and Drug Administration américaine (FDA) a elle aussi sauté le pas. En février dernier, l’agence autorisait en effet désormais la mise en adoption, outre-Atlantique, des animaux de laboratoire qui ne font plus l’objet de recherches, tout au moins. Notez que les National Institutes of Health, toujours aux États-Unis, avaient adopté une politique similaire en août 2019.

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Un « labrador de laboratoire » adopté. Crédits : Pixabay

« Le gouvernement nous impose un retour en arrière de plus de 30 ans »

Retour en France. Le 17 mars dernier, un décret « modifiant certaines dispositions relatives à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques » était signé par le gouvernement. Repéré par la Fondation 30 millions d’amis, celui-ci permet selon l’association aux élevages de chiens de chasse, d’animaux de compagnie ou encore les particuliers de vendre leurs animaux à des laboratoires.

« Jusqu’à présent, les animaux utilisés dans des procédures expérimentales devaient « avoir été élevés à cette fin et provenir d’éleveurs ou de fournisseurs agréés », détaille l’association. Des dérogations n’étant possibles que « lorsque la production des éleveurs agréés est insuffisante ou ne convient pas aux besoins spécifiques du projet » (art. R. 214-90 du code rural)… une condition désormais supprimée ! »

« Le gouvernement nous impose un retour en arrière de plus de 30 ans », s’insurge Reha Hutin, présidente de 30 Millions d’amis. Elle rappelle au passage que 86 % des Français s’opposent désormais à l’expérimentation animale lorsque des alternatives sont disponibles, selon son baromètre Ifop 2020.

« Ce décret montre le manque de volonté politique pour chercher des méthodes substitutives à l’expérimentation animale, préférant la solution de facilité : celle de gaspiller des vies !« .

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Près de 90 % des Français s’opposent à désormais l’expérimentation animale. Crédits : Kapa65/Pixabay

La fondation craint que ce nouveau décret, signé en toute discrétion alors que le pays essuyait la pire crise sanitaire de ces dernières décennies, n’encourage « un énorme trafic de chiens volés à leur maître pour être revendus à des laboratoires, comme c’était le cas jadis« .

Un décret sujet à interprétation

Reste que toutes les associations ne voient pas ce décret du même oeil. Il est d’ailleurs important de rappeler que celui-ci ne mentionne à aucun moment la vente d’animaux de compagnie aux laboratoires.

La Fondation Brigitte Bardot est ainsi montée au créneau pour répondre aux multiples messages de ses sympathisants. « En ce qui concerne l’Art. R214-90 du code rural (modifié) qui fait polémique, la règle générale concernant les animaux expérimentés est qu’ils « doivent avoir été élevés à cette fin et provenir d’éleveurs ou de fournisseurs agréés ». Les dérogations qui « peuvent être accordées par le ministre chargé de la recherche, après avis des autres ministres concernés, sur la base d’éléments scientifiques dûment justifiés » restent l’exception. (…) Notre but n’est pas de défendre ce décret, encore moins de justifier l’expérimentation animale contre laquelle notre Fondation s’élève sans ambiguïté, mais de répondre aux messages que nous recevons actuellement et qui nous paraissent hors sujet… L’expérimentation animale est suffisamment critiquable dans son principe même pour ne pas avoir à alimenter des interprétations fantaisistes d’un texte qui n’a rien de révolutionnaire. »

Quant à la Fondation Droit Animal, Ethique et Science, elle estime que « les trois conditions (justification scientifique, production insuffisante et besoin spécifique) n’étaient pas cumulatives mais alternatives. Désormais, la justification scientifique constitue la seule raison valable. Dans le cas où elle ne serait pas recevable, les raisons d’une production insuffisante ou d’un besoin spécifique ne peuvent pas être acceptées comme justification pour recourir à des animaux issus d’élevages non agréés pour la recherche”.

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