Il y a près d’un million d’années, les humains ont failli disparaître

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Crédits : ratpack223/istock

Une étude récente suggère que les espèces du genre humain auraient connu un grave « goulot d’étranglement » en perdant la quasi-totalité de population reproductrice il y a près d’un million d’années, et ce, pendant plus de 100 000 ans. Cet épisode aurait d’ailleurs pu mener au développement de l’ancêtre commun aux humains modernes, aux néandertaliens et aux désinoviens.

Un arbre de l’évolution aux branches multiples

Notre espèce, Homo sapiens, aurait émergé en Afrique il y a environ 200 000 à 300 000 ans, bien que la datation précise varie en fonction des découvertes archéologiques. Ce qu’il s’est passé avant est encore un peu flou. Notre compréhension de l’évolution de la lignée humaine avant l’émergence de l’homme moderne est en effet basée sur un ensemble limité de fossiles et de preuves archéologiques, ce qui rend la reconstruction de cette histoire sujette à révision.

Au cours de ces dernières décennies, les chercheurs ont identifié plusieurs espèces ayant précédé la nôtre. Homo erectus, Homo heidelbergensis et d’autres ont ainsi joué un rôle important dans l’histoire de l’évolution humaine en développant des caractéristiques anatomiques et comportementales ayant possiblement conduit à l’émergence d’Homo Sapiens. Cependant, les détails de ces transitions font encore l’objet de débats.

Goulot d’étranglement et quasi-extinction

Pour tenter d’en apprendre davantage sur la période ayant conduit à l’évolution de l’homme moderne, une équipe a récemment examiné le génome de plus de 3 150 humains  actuels issus de dix populations africaines et de quarante populations non africaines. Un nouvel outil analytique spécialement développé pour cette occasion leur a ensuite permis de déduire la taille du groupe composant les ancêtres des humains modernes en examinant la diversité des séquences génétiques observées chez leurs descendants.

Les résultats obtenus ont été surprenants. D’après les données génétiques, les ancêtres de l’homme moderne auraient en effet connu un grave « goulot d’étranglement » il y a entre 813 000 et 930 000 ans, perdant environ 98,7 % de leur population reproductrice. Celle-ci aurait tourné autour de 1 300 individus tout au plus pendant environ 117 000 ans.

« Nos ancêtres ont connu un goulot d’étranglement démographique si grave pendant très longtemps qu’ils ont été confrontés à un risque élevé d’extinction« , résume ainsi Wangjie Hu, de l’école de médecine Icahn du Mont Sinaï à New York et co-auteur de ces travaux.

On ignore encore s’il y a effectivement un lien, mais les chercheurs soulignent que cette époque a été marquée par un important refroidissement de la planète, tandis que de longues sécheresses auraient touché l’Afrique et l’Eurasie.

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Ce graphique montre la chronologie du grave goulot d’étranglement et le nombre probable d’individus qui existaient pendant cette période. Crédits : Image par Science

Un lien avec deux proches cousins

En outre, des recherches antérieures suggéraient que le dernier ancêtre commun partagé par les humains modernes, les Néandertaliens et les Dénisoviens, vivait il y a environ 765 000 à 550 000 ans, soit peu de temps après l’époque de ce goulot d’étranglement. Cela suggère que la quasi-éradication serait potentiellement liée d’une manière ou d’une autre à l’évolution des hominidés, et donc à celle de nos trois espèces.

Par exemple, une telle situation démographique aurait pu diviser les humains en petits groupes séparés qui auraient pu au fil du temps développer des différences anatomiques suffisamment importantes pour obtenir des populations survivantes distinctes (humains modernes, Néandertaliens et Dénisoviens).

Enfin, des travaux antérieurs ont déjà suggéré que le chromosome 2 humain se serait développé il y a environ 900 000 à 740 000 ans suite à la fusion de deux autres chromosomes. Les Néandertaliens et les Dénisoviens partagent également cette fusion avec nous. Là encore, le calendrier semble coïncider avec ce fameux goulot d’étranglement. Pour les auteurs, la quasi-éradication de la lignée humaine à cette époque pourrait avoir un lien avec ce changement majeur dans le génome humain.

Les détails de ces travaux sont publiés dans la revue Science.