Un imposant fleuve découvert sous la calotte Antarctique

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Crédits : NASA's Goddard Space Flight Center Scientific Visualization Studio.

Des mesures par radar aéroporté, permettant de voir à travers l’immense masse de glace de l’Antarctique, ont révélé la présence sous la calotte d’un vaste fleuve dont la taille dépasse celle de la Tamise. Ces observations inattendues ont été publiées dans la revue Nature Geoscience.

Les inlandsis du Groenland et de l’Antarctique sont loin d’être de simples glaçons posés sur le sol. Il s’agit au contraire de systèmes complexes possédant leur propre dynamique et interagissant de multiples façons avec leur environnement. Pour ces raisons, il demeure difficile de savoir dans quelle mesure ils réagiront au réchauffement en cours, d’où une forte incertitude quantitative sur l’élévation du niveau des mers à l’horizon des prochains siècles.

Antarctique : un fleuve plus grand que la Tamise tapi sous la calotte

Par ailleurs, les scientifiques continuent de faire des découvertes plus ou moins importantes sur la dynamique de ces géants de glace. À ce titre, une équipe de chercheurs internationale a découvert l’existence d’un imposant fleuve sous la calotte Antarctique. Mieux encore, ce cours d’eau de 460 kilomètres de long est alimenté par un bassin versant de la taille de la France et de l’Allemagne réunies.

« Lorsque nous avons découvert pour la première fois des lacs sous la glace de l’Antarctique il y a quelques décennies, nous pensions qu’ils étaient isolés les uns des autres », rapporte Martin Siegert, coauteur de l’étude. « Maintenant, nous commençons à comprendre qu’il y a des systèmes entiers là-dessous, interconnectés par de vastes réseaux de rivières, comme ils pourraient l’être s’il n’y avait pas des milliers de mètres de glace au-dessus d’eux ».

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Visualisation du fleuve sous la calotte par une simulation informatique basée sur les observations radar effectuées par les chercheurs. Crédits : C. F. Dow & coll. 2022.

Ces observations montrent que la base de la calotte est plus humide qu’on ne le pensait, ce qui veut aussi dire qu’elle est en mesure de glisser plus facilement vers la mer en cas de déstabilisation. En Antarctique, cette eau provient surtout de la fonte basale, c’est-à-dire du dégel qui se produit directement sous l’inlandsis en raison du flux de chaleur naturel de la Terre et de la friction liée au déplacement de la glace sur le socle rocheux.

« La région où cette étude est basée contient suffisamment de glace pour élever le niveau de la mer à l’échelle mondiale de 4,3 mètres », ajoute le chercheur. « La quantité de glace qui fond, et à quelle vitesse, est liée à l’adhérence de la base de la calotte. Le système fluvial nouvellement découvert pourrait fortement influencer ce processus ».

Une vulnérabilité revue à la hausse

Par conséquent, les projections actuelles de la contribution de la calotte australe à la remontée du niveau marin seraient largement sous-estimées. Cela est explicable par une plus grande propension des glaces à glisser vers la mer et par l’eau de fonte de surface qui peut se frayer un chemin jusqu’à la base de l’inlandsis via des fissures et augmenter encore un peu plus la lubrification. Une contribution qui devrait augmenter avec la poursuite du réchauffement.

Enfin, une fois l’écoulement glaciaire accéléré, la friction réchauffe plus fortement la base de l’inlandsis, ce qui accentue l’écoulement. Il s’agit donc d’un véritable cercle vicieux. « La découverte d’une rivière qui atteint des centaines de kilomètres à l’intérieur des terres, entraînant certains de ces processus, montre que nous ne pouvons pas comprendre pleinement la fonte des glaces sans considérer l’ensemble du système : calotte glaciaire, océan et eau douce », relate Neil Ross, coauteur de l’étude.