Un galet, un peu d’ocre rouge, et une empreinte digitale. Voilà tout ce qu’il aura fallu pour raviver un débat passionnant sur les capacités symboliques de nos cousins disparus : les Néandertaliens. Découverte dans l’abri sous roche de San Lázaro, au centre de l’Espagne, cette pierre pourrait bien représenter l’une des plus anciennes expressions faciales humaines connues… et elle ne vient pas de notre espèce.
Une empreinte vieille de 43 000 ans
La star de cette découverte est un simple caillou, retrouvé dans une couche sédimentaire vieille d’environ 43 000 ans. Il porte sur une de ses faces une marque rouge circulaire, clairement apposée au doigt, dont les chercheurs ont pu relever une empreinte digitale néandertalienne complète — la plus détaillée jamais identifiée à ce jour. Une précédente empreinte partielle avait été trouvée en Allemagne, mais celle-ci se distingue par son intégralité et, surtout, par son contexte intrigant.
Ce point rouge n’a rien d’une tache accidentelle. Il a été appliqué délibérément avec un doigt imbibé de pigment, selon les auteurs de l’étude publiée dans Archaeological and Anthropological Sciences. L’analyse révèle également que le galet ne présente aucun signe d’utilisation pratique : ce n’est ni un outil, ni un objet fonctionnel, mais très probablement un artefact symbolique.
De l’art ou une illusion de l’esprit ?
Ce qui rend ce galet si fascinant, c’est sa ressemblance troublante avec un visage humain. La marque rouge — probablement apposée avec soin — se superpose à des dépressions naturelles dans la pierre qui évoquent deux yeux, une bouche et une sorte de nez. L’ensemble forme une silhouette familière, presque expressive.
C’est ici qu’intervient un phénomène bien connu des psychologues : la paréidolie faciale, cette tendance que nous avons à reconnaître des visages là où il n’y en a pas vraiment — dans les nuages, les rochers, ou même les prises électriques.
La grande question posée par les chercheurs est donc la suivante : est-ce que ce Néandertalien a lui aussi perçu ce “visage” dans la pierre, et a-t-il choisi de le souligner par ce geste symbolique ? Ou bien s’agit-il simplement d’une coïncidence fortuite, interprétée a posteriori par nos yeux modernes ?
Les auteurs ne tranchent pas, mais soulignent que l’intention symbolique ne peut pas être exclue. Et si elle est confirmée, cela change radicalement notre vision des capacités cognitives de l’Homo neanderthalensis.

Les Néandertaliens, ces artistes oubliés
Pendant des décennies, les Néandertaliens ont été relégués au rang de brutes archaïques, sans langage ni imagination. Mais ce cliché s’effrite depuis plusieurs années. On sait aujourd’hui qu’ils enterraient leurs morts, utilisaient des pigments, portaient des ornements, et maîtrisaient sans doute certaines formes de communication complexe.
Ce galet pourrait donc s’inscrire dans un ensemble de comportements symboliques déjà bien documentés, mais encore trop souvent attribués exclusivement à notre espèce. L’idée que les Néandertaliens aient pu, eux aussi, ressentir le besoin d’exprimer des idées, de représenter des formes, voire de jouer avec les symboles, devient de plus en plus difficile à réfuter.
Une vision du monde plus nuancée
En fin de compte, ce petit objet nous invite à changer de regard sur les Néandertaliens. Non, ils n’étaient pas de simples hominidés rustiques, mais des êtres dotés d’émotions, de perceptions fines, et peut-être même d’un sens du beau ou du mystère.
La présence de cette empreinte digitale — témoin direct d’un contact humain, vieux de plusieurs dizaines de milliers d’années — renforce l’intimité troublante que nous partageons avec eux. Le geste qu’elle capture n’est peut-être rien de plus qu’une pression d’un doigt enduit d’ocre sur une pierre. Mais il contient une intention, une curiosité, peut-être même une volonté de marquer ou de signifier.
Et si cette intention était artistique ? Si ce geste était l’équivalent d’un premier coup de pinceau, ou d’un émoticône préhistorique gravé dans la mémoire du temps ?
En résumé
Un galet découvert en Espagne présente une empreinte digitale néandertalienne complète, associée à une tache d’ocre rouge.
L’objet, non utilitaire, semble avoir été délibérément peint, et sa forme évoque un visage humain.
Les chercheurs évoquent le phénomène de paréidolie pour expliquer cette interprétation, tout en laissant ouverte l’hypothèse d’une représentation symbolique volontaire.
Cette découverte renforce l’idée que les Néandertaliens partageaient avec nous une forme de pensée abstraite, voire artistique.