Un effondrement partiel de l’Antarctique se jouerait en ce moment-même, avertit une étude

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Crédits : NASA Image Library.

Selon de nouveaux travaux basés sur l’étude de sédiments marins et soutenus par un ensemble grandissant de preuves, la désintégration partielle de la calotte glaciaire de l’Antarctique pourrait se jouer en ce moment même. Les résultats sont publiés dans la revue scientifique Nature Communications ce 18 novembre.

La calotte glaciaire de l’Antarctique de l’ouest est particulièrement sensible aux variations du climat. En effet, comparée à sa voisine de l’est, elle plafonne à des altitudes relativement basses et repose sur un socle rocheux situé sous le niveau de la mer. De nombreuses instabilités rythment ainsi son histoire et, dans une moindre mesure, celle de sa voisine depuis des millions d’années.

Inlandsis de l’Antarctique : des instabilités déclenchées en à peine une décennie

Grâce à l’étude des carottes sédimentaires prélevées dans l’océan austral, les scientifiques peuvent retracer lesdites instabilités et mieux comprendre leur dynamique et la façon dont elles se manifestent. Ces sursauts s’accompagnent en effet de détachements massifs d’icebergs qui, lorsqu’ils dérivent vers le nord, fondent et libèrent les fragments rocheux qu’ils contenaient. En se précipitant au fond de l’océan, les débris laissent alors une signature caractéristique dans les sédiments.

En analysant la façon dont ces dépôts ont varié lors de la dernière déglaciation il y a 19 000 à 8 000 ans, une équipe de chercheurs a recensé huit grandes phases de débâcle massive. Chacune correspond à une couche de sédiments composée d’une quantité anormalement élevée de débris rocheux. Or, en intégrant les données obtenues à un modèle de calotte glaciaire, les scientifiques ont découvert que ces phases n’avaient nécessité qu’une dizaine d’années pour être initiées, mais qu’elles avaient contribué à l’élévation du niveau des mers pendant plusieurs siècles.

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Quantité de grains mesurée dans les sédiments marins entre -21 000 ans et -8 000 ans. Les phases de débâcles sont marquées par des bandes brunes et nommées de 1 à 8 en remontant dans le passé. Enfin, la durée des périodes d’initiation et de stabilisation est indiquée respectivement en bleu et orange. Crédits : Michael Weber & coll. 2021.

« Notre étude révèle qu’au moment où la calotte glaciaire s’est retirée, les phases de perte de masse rapides se sont déclenchées très brusquement, en l’espace d’une ou deux décennies seulement », souligne Zoë Thomas, coauteur du papier. « Il est intéressant de noter qu’après avoir continué de reculer pendant plusieurs centaines d’années, la calotte s’est de nouveau arrêtée, ce qui n’a également pris que quelques décennies ».

Quelles implications pour le futur ?

Autrement dit, la mise en route d’une instabilité de la calotte se jouerait sur des échelles de temps excessivement courtes, bien plus courtes qu’on ne pouvait le penser il y a encore quelques années. Le parallèle avec l’évolution actuelle de l’environnement global est donc légitime. Comment la calotte intègre-t-elle la perturbation rapide du climat qui a débuté au milieu des années 1980 ?

« Nos résultats sont cohérents avec un nombre croissant d’éléments suggérant que l’accélération de la perte de masse de glace en Antarctique au cours des dernières décennies pourrait marquer le début d’une période autonome et irréversible de recul de la calotte glaciaire et d’élévation substantielle du niveau mondial de la mer », avance Michael Weber, auteur principal du papier.

Il se pourrait donc fort bien qu’un processus de dislocation partielle se soit déjà mis en route et que, quoi que nous fassions désormais, nous ne soyons plus en capacité d’empêcher. « S’il suffit d’une décennie pour faire basculer un système comme celui-ci, c’est en fait assez effrayant, car si la calotte glaciaire de l’Antarctique se comporte à l’avenir comme par le passé, nous devons être en train de subir le basculement en ce moment même », ajoute Zoë Thomas.