Et si le plus puissant collisionneur de particules de l’univers n’était pas une machine terrestre comme le LHC, mais le fruit d’une explosion d’étoile lointaine ? C’est ce que vient de confirmer une nouvelle étude : certaines supernovas sont bel et bien capables de produire des particules ultra-énergétiques, mille fois plus puissantes que celles générées par nos technologies. Mais cette capacité fulgurante ne dure que quelques mois… ce qui rend le phénomène pratiquement invisible.
Des rayons cosmiques ultra-puissants, mais discrets
Depuis près d’un siècle, les scientifiques détectent des rayons cosmiques, des particules (principalement des protons) issues de l’espace profond, qui frappent régulièrement la Terre. Certains d’entre eux atteignent des niveaux d’énergie faramineux — dépassant le pétaélectronvolt (PeV), soit un million de milliards d’électronvolts. Pour comparaison, le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN plafonne à 0,01 PeV.
Ces rayons cosmiques extrêmes intriguent les astrophysiciens depuis longtemps : d’où viennent-ils ? Et comment des particules peuvent-elles être accélérées à une telle vitesse dans le vide interstellaire ?
Les supernovas en ligne de mire
L’idée selon laquelle les supernovas — les explosions cataclysmiques qui marquent la mort des étoiles massives — pourraient être à l’origine de ces rayons cosmiques n’est pas nouvelle. Ces événements libèrent en effet une énergie colossale et sont accompagnés de puissants champs magnétiques, deux ingrédients essentiels pour accélérer des particules.
Mais jusqu’ici, les restes de supernovas observés dans notre galaxie n’avaient jamais révélé de rayons cosmiques d’une telle intensité. Ce paradoxe mettait l’hypothèse en difficulté.
Un secret dans l’enveloppe de gaz
Une nouvelle étude, bientôt publiée dans Astronomy & Astrophysics, apporte une réponse inattendue : oui, les supernovas peuvent bel et bien devenir des “PeVatrons” (c’est le nom donné aux accélérateurs cosmiques capables d’atteindre le PeV)… mais à une condition très spécifique.
L’étoile qui explose doit avoir perdu beaucoup de masse avant sa fin — au moins deux fois la masse du Soleil —, via des vents stellaires. Et surtout, cette matière éjectée ne doit pas s’être dispersée trop loin : elle doit former une coquille dense et compacte autour de l’étoile.
Lorsqu’arrive la supernova, l’onde de choc traverse cette enveloppe de gaz, créant un environnement magnétique surpuissant qui projette les particules dans un véritable manège énergétique. À chaque rebond, elles gagnent en vitesse, jusqu’à atteindre des niveaux extrêmes d’énergie… avant de s’échapper dans l’espace.

Un phénomène invisible… ou presque
Problème : ce phénomène ultra-puissant ne dure que quelques mois. Ensuite, l’onde de choc s’essouffle, et l’accélération s’arrête. Cela explique pourquoi nous n’avons encore jamais observé une supernova en train de produire des rayons cosmiques PeV : il faudrait que cette supernova explose juste au bon moment, et pas trop loin de nous, ce qui est extrêmement rare.
En attendant ce jour, les scientifiques continuent de reconstituer le puzzle en observant les traces laissées par ces anciens collisionneurs naturels. Et peut-être qu’un jour, l’univers nous offrira un PeVatron en direct.