Un anticyclone bloque-t-il ou repousse-t-il vraiment les dépressions ?

Anticyclone dépression
Pression réduite au niveau de la mer (isolignes noires) et vent vers 1500 mètres (nuances de couleurs) prévus par le modèle Européen IFS pour le 9 juillet 2018. Un anticyclone concerne le proche Atlantique et une partie de l'Europe de l'ouest. Crédits : ECMWF.

Il est d’usage de dire qu’un anticyclone repousse ou chasse les systèmes dépressionnaires qui apportent le mauvais temps, où bien les empêche de pénétrer sur le territoire. Ainsi, pour reprendre certains termes employés dans les bulletins météorologiques nationaux, l’anticyclone des Açores effectuerait des mystérieuses poussées vers le pays, ou ferait barrage aux dépressions atlantiques tel un mur s’interposant face à ces dernières. Mais est-ce là une réalité physique ou cela tient-il plus à un abus de langage qu’autre chose ?

Un anticyclone est une zone de l’atmosphère où la pression est plus élevée que dans le voisinage – pour une altitude donnée – et autour de laquelle les vents tournent dans les sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord, et dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud. Si la pression atmosphérique est plus élevée dans ces systèmes météorologiques, c’est en raison d’une convergence de masse en altitude : les mouvements de l’atmosphère y concentrent les parcelles d’air, ce qui augmente la pression exercée en surface. Cette convergence d’altitude est également à l’origine d’un lent mouvement de grande échelle vers le bas qui tend à inhiber la formation des précipitations et des développements nuageux profonds. On peut toutefois y retrouver des nuages bas en saison hivernale en lien avec des processus de basses couches, tandis que la montagne profite d’un grand soleil.

Les cartes météorologiques « techniques » présentées aux bulletins météo grand public – censées expliquer au moins partiellement la situation – sont très souvent des cartes de pression réduites au niveau de la mer, donc de surface, auxquelles sont superposés des fronts. Par conséquent, l’essentiel des processus à l’œuvre dans l’atmosphère est éclipsé. On y voit ainsi des entités barométriques (anticyclones, dépressions…) se déplacer, stationner, s’atténuer ou se renforcer sans que l’on puisse dire pourquoi. Pour un public néophyte, ces cartes peuvent toutefois donner l’illusion de comprendre ce qu’il se passe. Par rapport à la question évoquée dans le titre de cet article, une analyse de la dynamique atmosphérique indique pourtant qu’un anticyclone ne repousse rien, et n’agit pas comme un obstacle pour les dépressions tel un protecteur céleste.

Tout d’abord, l’évolution des anticyclones et des dépressions visibles sur le champ de pression en surface est surtout une conséquence des fluctuations de la circulation de l’air en altitude*. Lorsque des hautes pressions envahissent le pays accompagnées d’un temps plutôt chaud et ensoleillé succédant à la pluie et la fraîcheur, ce n’est pas par une poussée miraculeuse de l’anticyclone des Açores (ou d’ailleurs) qui aurait chassé les dépressions. C’est parce que la zone où ces dernières se forment – la zone barocline dans le jargon météorologique – a migré vers le nord, ce qui permet à la pression de remonter là ou elle n’est plus (par convergence de masse). Cela peut dès lors donner l’impression que les hautes pressions « poussent » ou « chassent » les perturbations. Cette migration qui peut durer plus ou moins longtemps est associée aux méandres qui parcourent le courant-jet.

De même, un anticyclone ne bloque pas les dépressions. Si parfois, les systèmes perturbés semblent venir buter sur les hautes pressions, c’est parce que la zone barocline qui supporte les creusements dépressionnaires s’estompe à cet endroit, ou bifurque rapidement vers le nord ou le sud, ceci en lien avec la structure du courant-jet. La pression est ainsi plus élevée et le temps plus clément là où l’activité dépressionnaire ne peut plus exister, mais ça ne signifie pas que ce sont les hautes pressions qui bloquent les dépressions. On en revient encore une fois à la dynamique et aux fluctuations de l’écoulement en altitude.

* Entre ~1500 mètres et la tropopause (~ 10 kilomètres en moyenne annuelle).