Un affaiblissement de la circulation océanique en Atlantique ne ralentirait pas le réchauffement climatique, mais conduirait à son amplification !

Crédits : NASA.

Sur la base d’une nouvelle étude publiée dans la revue scientifique Nature, le ralentissement attendu de la circulation océanique de l’Atlantique nord au cours des prochaines décennies pourrait conduire à une accélération du réchauffement de surface. Ces travaux surprenants et à prendre avec un certain recul renversent le paradigme selon lequel un tel affaiblissement induirait un ralentissement du réchauffement global.

Le système de courants océaniques dans l’océan Atlantique nord, transportant la chaleur des tropiques vers les hautes latitudes, porte les acronymes anglais AMOC pour Atlantic Meridional Overturning Circulation ou circulation de retournement de l’Atlantique. Ce système peut se renforcer ou s’affaiblir à différentes échelles temporelles (décennies, siècles…) et ainsi modifier la répartition de chaleur en surface, mais également dans l’océan. Si l’AMOC s’arrêtait totalement, les températures de surface seraient jusqu’à 5 °C plus froides dans le nord du bassin et jusqu’à 10 °C plus froides au niveau de la mer de Norvège. Ainsi, une AMOC qui s’accentue a généralement été associée à un réchauffement de l’hémisphère nord tandis qu’une AMOC qui s’affaiblit a été associée à un refroidissement de celui-ci. Ceci en accord avec les données paléo-climatiques de la dernière période glaciaire ou les simulations climatiques pré-industrielles par exemple.

Cependant, une nouvelle étude publiée ce 18 juillet dans la revue Nature remet en question cette interprétation. En effet, le rôle de l’AMOC dans notre climat moderne serait différent de celui qu’elle avait au cours de la dernière période glaciaire. Actuellement, les concentrations en gaz à effet de serre (GES) croissent à une vitesse inégalée, et sont actuellement les plus élevées depuis plusieurs millions d’années. Cette hausse de la concentration en GES provoque une accumulation continue d’énergie dans le système climatique, ce qui conduit à son réchauffement – et plus de 90 % de cette énergie additionnelle sert à réchauffer l’océan. Ainsi, les rôles qu’a pu avoir la circulation océanique dans le passé ne sont pas forcément de bons analogues à ceux du climat présent ou futur.

Selon les chercheurs, il s’avère en effet que dans le climat actuel fortement perturbé par les GES, le rôle dominant de l’AMOC n’est plus de transporter de la chaleur des tropiques vers le nord de l’Atlantique et les continents adjacents – celui-ci devient secondaire. Il s’agit plutôt de stocker la chaleur dans les profondeurs de l’océan. En accord avec cette perspective, les auteurs montrent que l’accentuation de la circulation atlantique entre les années 1940 et 1970 a coïncidé avec une période où la hausse des températures en surface s’était stoppée. Au contraire, entre le milieu des années 1970 et jusque dans les années 1990, à un moment où cette circulation était plus faible, le réchauffement de surface s’est notablement accéléré. L’accentuation de l’AMOC la plus récente – qui a eu lieu entre la fin des années 1990 et 2005 environ – a participé à un ralentissement relatif dans l’augmentation des températures qui a été très médiatisé et popularisé sous la dénomination de « hiatus ». Depuis, la hausse des températures s’est à nouveau accélérée : les 4 dernières années ont successivement été les plus chaudes à l’échelle globale depuis le début des observations.

Les projections climatiques indiquent toutes un affaiblissement de l’AMOC au cours du XXIe siècle. Si l’on se base sur les travaux des chercheurs, cela signifierait que ce ralentissement de la circulation océanique se traduirait par un réchauffement accéléré des températures en surface au cours des prochaines décennies. Il reste toutefois des questions en suspens, comme le point de partage entre une AMOC qui s’affaiblit et conduit à une accélération du réchauffement de surface et une AMOC léthargique – voire effondrée – qui conduirait au contraire à un refroidissement de l’Atlantique nord et ralentirait le réchauffement global. Le risque que le dernier scénario se réalise est toutefois jugé très improbable, à la lumière de nos connaissances actuelles sur le sujet. Notons pour finir que ces nouveaux résultats ont d’ores et déjà été critiqués par d’autres chercheurs, déplorant le fait que les assertions promulguées dans le papier n’étaient pas soutenues par des preuves convaincantes. C’est donc une information à prendre avec un grand recul.

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