Centaur V ULA
Une illustration du second étage Centaur V dans l'espace générée par Grok

ULA veut transformer sa fusée Centaur en « intercepteur spatial »

United Launch Alliance (ULA), un acteur majeur du secteur des lancements spatiaux, propose une vision audacieuse pour se différencier de son rival SpaceX. En plus de sa mission principale de lancement de satellites, la société envisage d’utiliser sa fusée Vulcan Centaur comme un « intercepteur spatial ». Cette initiative viserait à protéger les actifs américains en orbite et à répondre à toute menace émanant d’adversaires dans l’espace. La proposition est une réponse directe à l’accroissement des tensions géopolitiques, notamment avec la Chine, et à la concurrence croissante de SpaceX sur le marché des lancements militaires.

Le projet d’intercepteur spatial de ULA

Encore en attente de certification pour les missions de sécurité nationale, le Vulcan Centaur est un lanceur polyvalent qui combine un premier étage propulsé par les moteurs BE-4 de Blue Origin et un second étage équipé du moteur RL10 de Aerojet Rocketdyne. Ce second étage, le Centaur V, est conçu pour des missions complexes nécessitant une grande capacité énergétique et de longues durées de vol. En plus de sa fonction traditionnelle de lancement de satellites, cette plateforme pourrait également devenir un atout stratégique pour la défense des actifs spatiaux américains.

Le PDG de ULA, Tory Bruno, a en effet récemment présenté une vision ambitieuse de ce lanceur comme outil de défense spatiale lors de la conférence Spacepower 2024. L’idée serait de transformer le Centaur V en une capacité d’intervention rapide, capable d’agir comme une plateforme de défense en cas de menace potentielle. Bruno décrit une plateforme « rapide comme l’éclair, à longue portée, et, si nécessaire, très meurtrière ».

Ce type de fusée, capable de se déployer rapidement en orbite, permettrait notamment d’intercepter des menaces potentielles, comme des adversaires tentant de perturber ou de détruire des satellites stratégiques américains. Le Centaur V, avec ses capacités de propulsion et sa grande endurance, serait ainsi l’outil idéal pour assurer une présence dissuasive dans l’espace, protégeant les actifs vitaux des États-Unis des dangers potentiels, tout en offrant la flexibilité d’une réponse rapide en cas de besoin.

Cette approche innovante pourrait également permettre à ULA de se différencier de son rival SpaceX, qui domine depuis 2017 le marché des lancements américains.

Centaur V ULA
United Launch Alliance hisse un étage supérieur Centaur V au sommet du premier étage d’appoint de Vulcan dans l’installation d’intégration verticale adjacente au complexe de lancement spatial 41 de la base spatiale de Cap Canaveral, en Floride. Crédit : United Launch Alliance

Les défis et l’avenir de la défense spatiale

Naturellement, l’ambition de ULA de transformer la Vulcan Centaur en un « intercepteur spatial » ne se fait pas sans défis. D’abord, la fusée est encore en cours de certification pour les missions militaires de sécurité nationale. En outre, des retards ont affecté son développement, ce qui a affecté la position de ULA sur le marché, surtout face à l’agilité de SpaceX. Ces retards ont également donné lieu à des spéculations sur la vente potentielle de ULA par ses sociétés mères, Lockheed Martin et Boeing.

Malgré ces difficultés, Tory Bruno reste optimiste quant à l’avenir de l’entreprise. Lors de la conférence Spacepower 2024, ce dernier a mis en avant l’importance du partenariat entre le gouvernement américain et l’industrie privée. Selon lui, la clé du succès réside dans la diversité des fournisseurs de lanceurs et dans la capacité des entreprises à offrir des solutions uniques. ULA cherche à se différencier de SpaceX et d’autres acteurs en mettant l’accent sur l’innovation et la flexibilité de ses offres. Bruno a souligné qu’il était essentiel que le gouvernement ne se concentre pas uniquement sur les coûts, mais aussi sur les capacités uniques de chaque fournisseur, afin d’éviter une concurrence « malsaine » qui pourrait mener à une concentration du marché et à un monopole.

Avec son projet de transformer le Vulcan Centaur en un intercepteur spatial, ULA cherche donc à redéfinir les capacités des lanceurs militaires et à répondre à l’évolution rapide des menaces dans l’espace. Dans un contexte de compétition féroce avec SpaceX, ULA mise sur l’innovation et la flexibilité pour se réimposer sur le marché des lancements militaires. Si cette initiative s’avère fructueuse, elle pourrait non seulement renforcer la défense spatiale des États-Unis, mais aussi marquer un tournant dans l’évolution des technologies spatiales militaires. L’avenir de la défense spatiale semble plus que jamais tourner autour de la capacité à réagir rapidement et efficacement aux menaces qui pèsent sur les actifs en orbite.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.