Comment les trous noirs les plus anciens ont-ils pu devenir si grands au début de l’Univers ?

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Crédits : NASA / JPL-Caltech

Certains des trous noirs les plus anciens de l’Univers, formés quelques centaines de millions d’années après le Big Bang, pèsent plusieurs milliards de masses solaires. Or, les « graines » laissées par les premières étoiles, d’où naissent normalement les trous noirs, ne sont pas assez grandes pour donner naissance à de tels mastodontes. Comment alors les trous noirs les plus anciens ont-ils pu devenir si grands au début de l’Univers ?

Au départ l’Univers était chaud et dense. De ces débuts, le cosmos s’est ensuite agrandi et refroidi, mais il a fallu un certain temps pour que les étoiles et les galaxies commencent à parsemer le ciel. Ce n’est que 100 à 200 millions d’années après le Big Bang que les plus anciennes étoiles apparaissent. Mais à leur grande surprise, les scientifiques ont découvert qu’une autre classe d’objets astronomiques s’est formée peu de temps après : les quasars.

Les quasars sont des objets extrêmement lumineux alimentés par la matière siphonnée par des trous noirs supermassifs. L’Univers est en expansion : ainsi les quasars les plus éloignés sont aussi les plus anciens. Et ces derniers sont les plus mystérieux. Pour être visibles à de telles distances, ces quasars doivent être alimentés par des trous noirs contenant au moins un milliard de fois la masse du Soleil. Pourtant, les théories classiques de la formation et de la croissance des trous noirs suggèrent qu’un trou noir assez grand pour alimenter ces quasars n’aurait pas pu se former en moins d’un milliard d’années.

Ce n’est qu’en 2001, grâce à la Sloan Digital Sky Survey – un programme visant à répertorier les objets célestes – que les astronomes ont commencé à dénicher des quasars encore plus anciens. Le plus vieux et le plus éloigné connu évoluait à peine 690 millions d’années après le Big Bang. Comment alors a-t-il pu devenir aussi grand en si peu de temps ?

Beaucoup d’astronomes pensent que les premiers trous noirs sont les restes des premières étoiles. Pourtant, ces résidus stellaires ne devraient pas contenir plus de quelques centaines de masses solaires. Est-il alors possible que ces objets se soient formés sans la naissance et la mort des étoiles ? Au lieu de cela, ces graines de trous noirs se seraient alors constituées directement à partir de gaz. Ceux-ci auraient pu naître à 10^4 ou 10^5 masses solaires, quelques centaines de millions d’années après le Big Bang, pour finalement atteindre 10^9 ou 10^10 masses solaires, produisant ainsi les plus anciens quasars découverts.

Ces disques de gaz immaculé auraient autrement refroidi et se seraient fragmentés pour donner naissance à des étoiles. Mais en théorie, il pourrait être possible pour ces disques de contourner ce processus conventionnel et de s’effondrer plutôt en touffes denses qui forment des trous noirs pesants 10^4 à 10^6 masses solaires. Ce résultat peut se produire si quelque chose interfère avec le processus de refroidissement normal qui entraîne la formation d’étoiles, et provoque l’instabilité du disque entier, acheminant rapidement la matière vers le centre, un peu comme l’eau qui coule dans une baignoire.

Les disques se refroidissent plus efficacement si leur gaz comprend de l’hydrogène moléculaire – deux atomes d’hydrogène liés entre eux – plutôt que de l’hydrogène atomique, qui ne comprend qu’un seul atome. Mais si le rayonnement des étoiles d’une galaxie voisine frappe le disque, il peut détruire l’hydrogène moléculaire et le transformer en hydrogène atomique, ce qui supprime le refroidissement, gardant le gaz trop chaud pour former des étoiles. Sans étoiles, ce disque irradié massif pourrait devenir instable, et la matière se déverserait rapidement dans son centre, entraînant rapidement la production d’un trou noir massif, à effondrement direct. Dans cette version des faits, la formation de ces trous noirs dépend donc de la présence d’étoiles proches.

La question est maintenant de savoir si ce scénario s’est réellement déroulé. Pour le savoir, les astronomes comptent s’appuyer sur le télescope spatial James Webb (JWST), qui sera lancé en 2019.

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