Les trous noirs figurent parmi les phénomènes les plus fascinants et mystérieux de l’Univers. Traditionnellement, ils se forment lorsque des étoiles massives s’effondrent sous leur propre gravité à la fin de leur cycle de vie. Cependant, des hypothèses plus exotiques ont été proposées, notamment celle des « kügelblitze », des trous noirs formés uniquement par la concentration de lumière. Mais sont-ils réellement possibles ?
La nature des Kügelblitze
Un kügelblitz, un terme allemand signifiant « foudre en boule », désigne un trou noir hypothétique qui se formerait non pas à partir de matière ordinaire, mais à partir d’une immense concentration de rayonnement électromagnétique, telle que la lumière. Dans la théorie de la relativité générale d’Einstein, même si elle n’a pas de masse, l’énergie peut en effet courber l’espace-temps et créer une attraction gravitationnelle. Théoriquement, si suffisamment de lumière est concentrée dans un volume extrêmement petit, elle pourrait générer un champ gravitationnel assez puissant pour former un trou noir.
Cependant, ces concepts reposent sur la relativité générale classique qui ne prend pas en compte les phénomènes quantiques, ce qui nous ramène à ces nouveaux travaux. Dans le cadre de cette étude, des chercheurs de l’Université de Waterloo et de l’Institut Périmètre de physique théorique ont en effet exploré l’impact des effets quantiques sur la formation des kügelblitze.
Mission impossible
Les chercheurs ont ici étudié un phénomène appelé l’effet Schwinger, également connu sous le nom de polarisation du vide. Cet effet se produit lorsque des champs électromagnétiques extrêmement intenses transforment une partie de leur énergie en matière, créant des paires de particules appelées électrons et positrons.
Pendant leurs recherches, les scientifiques ont calculé la vitesse à laquelle ces paires de particules consomment l’énergie du champ électromagnétique. Si ces particules utilisent l’énergie plus rapidement que le champ ne peut la reconstituer, alors un trou noir formé uniquement de lumière (ou kügelblitz) ne peut pas se former.
Leurs résultats ont montré que même dans des conditions extrêmement intenses, la lumière pure ne peut jamais atteindre le niveau d’énergie nécessaire pour former un trou noir. Les chercheurs ont découvert que même en utilisant les lasers les plus puissants disponibles sur Terre, nous sommes encore loin d’atteindre l’intensité nécessaire pour créer un kügelblitz. Ils ont constaté que nous sommes à plus de 50 ordres de grandeur de l’intensité requise, ce qui signifie que l’énergie nécessaire serait des milliards de fois plus grande que ce que nous pouvons actuellement produire.
Quelles implications théoriques ?
Cette découverte a des implications théoriques profondes, et remet en question les modèles astrophysiques et cosmologiques qui supposaient l’existence de kügelblitze. Bien que l’idée de trous noirs formés uniquement de lumière soit fascinante, cette étude montre en effet qu’ils ne peuvent exister dans notre Univers lorsque nous prenons en compte les phénomènes quantiques. Elle écarte également la possibilité d’étudier les trous noirs en laboratoire en les créant par concentration de lumière. Néanmoins, l’étude démontre que les effets quantiques peuvent être efficacement intégrés aux problèmes impliquant la gravité, fournissant ainsi des réponses claires à des questions scientifiques complexes.
Inspirés par ces découvertes, les chercheurs prévoient de continuer à explorer l’influence des effets quantiques sur divers phénomènes gravitationnels. L’étude des propriétés gravitationnelles de la matière quantique pourrait en effet révéler des aspects exotiques de l’espace-temps tels que la gravité répulsive ou des solutions exotiques comme la distorsion d’Alcubierre ou les trous de ver traversables.
Les détails de l’étude sont publiés dans les Physical Review Letters.