Trois mythes répandus sur les suppléments alimentaires

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L’industrie des suppléments alimentaires connaît une croissance exponentielle. Cependant, derrière le battage médiatique entourant ces produits se cachent des réalités souvent méconnues. Voici donc trois mythes très répandus sur la supplémentation alimentaire.

Les suppléments ont le vent en poupe

Les données précises sur le nombre d’adultes français prenant des vitamines, des prébiotiques et d’autres compléments alimentaires peuvent varier en fonction des études et des enquêtes spécifiques menées sur ce sujet. Cependant, certaines recherches fournissent des estimations générales sur la prévalence de la consommation de ces suppléments en France.

Une étude réalisée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) en 2017 a justement examiné les habitudes de consommation en France. Selon cette étude, environ 20% des adultes français consomment régulièrement des compléments alimentaires, tels que des vitamines, des minéraux, des antioxydants, des oméga-3 et d’autres produits similaires.

Les suppléments alimentaires sont souvent perçus comme des solutions rapides pour améliorer la santé ou compenser des carences nutritionnelles. Cependant, il est essentiel de reconnaître qu’ils ne sont pas réglementés de la même manière que les médicaments. En effet, ils sont considérés et réglementés davantage comme des produits alimentaires que comme des médicaments. Cette distinction est importante, car cela signifie qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes normes strictes de sécurité et d’efficacité. Par conséquent, leur qualité, leur pureté et leur efficacité peuvent varier considérablement d’un produit à l’autre et il existe souvent un manque de preuves scientifiques solides pour étayer les allégations de santé associées à de nombreux suppléments.

Il est cependant important de se demander pourquoi tant de gens pensent que les suppléments peuvent les aider à mener une vie plus saine. Et bien qu’il existe de nombreuses raisons, la manière dont les suppléments sont commercialisés est indéniablement importante. Katie Suleta, membre du corps professoral de recherche en formation médicale supérieure à la George Washington University, relève trois points essentiels.

L’illusion de l’appel à la nature

L’utilisation du terme « naturel » dans la commercialisation des suppléments est une stratégie très répandue visant à créer une perception de qualité et de sécurité. Elle repose sur l’idée que tout ce qui est naturel est nécessairement bon pour la santé. Lorsqu’on évoque par exemple des produits comme la vitamine C, qui est souvent associée à des aliments naturels tels que les oranges et les agrumes, cela évoque des images de fraîcheur, de vitalité et de bien-être. Cette association entre cette vitamine et les aliments naturels renforce ainsi l’idée que la prise de ces suppléments est une alternative saine et naturelle pour renforcer le système immunitaire et prévenir les maladies.

En revanche, lorsque l’on mentionne des solutions médicales conventionnelles telles que le vaccin contre la grippe, cela évoque souvent des images de procédures médicales, de produits pharmaceutiques et parfois même de scepticisme. Malgré le fait que les vaccins aient été cliniquement prouvés pour prévenir les infections grippales et réduire la gravité de la maladie, ils peuvent être perçus comme étant moins « naturels » que les suppléments de vitamine C.

L’industrie des suppléments exploite ainsi cette association positive avec la nature en incorporant des termes tels que « naturel », « pur » et « authentique » dans les noms de marque et les slogans publicitaires. Ces termes sont conçus pour évoquer des images de produits non transformés, frais et exempts de produits chimiques, ce qui renforce la perception de qualité et de sécurité.

Cependant, il est important de noter que le terme « naturel » ne garantit pas la qualité, l’efficacité ou la sécurité d’un produit. De nombreux suppléments naturels peuvent en effet contenir des ingrédients actifs puissants qui peuvent avoir des effets indésirables ou interagir avec d’autres médicaments. De même, de nombreux produits « artificiels » peuvent être sûrs et efficaces lorsqu’ils sont utilisés correctement.

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Plus on prend, mieux c’est

L’idée selon laquelle « plus on prend, mieux c’est » est une croyance courante qui découle de l’illusion de l’appel à la nature. Cette illusion repose sur l’idée que si quelque chose est naturel, alors une plus grande quantité de cette substance doit être encore meilleure pour la santé. Cette logique simpliste ignore cependant les processus complexes de régulation du corps humain.

En réalité, notre corps est très efficace pour réguler les niveaux de vitamines et de minéraux dont il a besoin. Si nous ne souffrons pas de carences nutritionnelles, en consommer des quantités excessives ne se traduira donc pas nécessairement par des bénéfices pour la santé. Au contraire, cela peut parfois avoir des conséquences néfastes.

C’est pourquoi les sceptiques en matière de suppléments ont souvent recours à l’expression humoristique « vous ne payez que pour un pipi coûteux ». Cette expression fait allusion au fait que notre corps élimine l’excès de nutriments qu’il ne peut pas utiliser, ce qui signifie que prendre des doses excessives de ces substances peut être inefficace et même gaspilleur.

Prenons l’exemple de la vitamine C, souvent vantée pour ses propriétés antioxydantes et son rôle dans le renforcement du système immunitaire. Les suppléments de vitamine C sont souvent commercialisés avec des dosages élevés allant jusqu’à 750 ou 1 000 milligrammes, alors que les adultes n’ont besoin que de 75 à 120 milligrammes de vitamine C par jour pour maintenir une santé optimale. Consommer des doses excessives de vitamine C ne se traduira pas par des bénéfices supplémentaires pour la santé, mais plutôt par un excès qui sera éliminé par l’organisme.

Le biais d’action

Le biais d’action est un phénomène psychologique qui pousse les individus à agir plutôt qu’à rester passifs, souvent par crainte de manquer une opportunité ou de ne pas avoir le contrôle sur une situation. L’idée selon laquelle il vaut mieux faire quelque chose que ne rien faire est profondément enracinée dans notre culture, en particulier en ce qui concerne la santé. Dans le contexte des suppléments alimentaires, ce biais joue un rôle important, car il incite les gens à en prendre même si ces mesures ne sont pas toujours nécessaires ou bénéfiques.

Cependant, cette approche peut être dangereuse, car ils contiennent souvent des doses beaucoup plus élevées que l’apport quotidien recommandé de certains nutriments. Cette surconsommation peut alors entraîner des effets indésirables sur la santé. Par exemple, une consommation excessive de vitamine C peut provoquer des symptômes gastro-intestinaux tels que la diarrhée, les nausées et les crampes d’estomac. De même, un excès de vitamine D peut entraîner des problèmes tels que les nausées, les vomissements et même la formation de calculs rénaux.

En outre, ces produits peuvent interagir avec d’autres médicaments prescrits, ce qui peut avoir des conséquences graves pour la santé. Par exemple, le millepertuis, un supplément à base de plantes souvent utilisé pour traiter la dépression légère à modérée, est connu pour interagir avec un certain nombre de médicaments couramment prescrits, tels que les contraceptifs oraux, les médicaments immunosuppresseurs, les statines et même la chimiothérapie. Ces interactions peuvent altérer l’efficacité des médicaments ou aggraver leurs effets secondaires.