Un trésor caché depuis près de mille ans refait surface sur un chantier moderne. En fouillant le site de construction de la centrale nucléaire Sizewell C, dans le Suffolk, des archéologues ont mis au jour un lot exceptionnel de 321 pièces d’argent datant du onzième siècle. Protégées par une enveloppe de tissu et de plomb, ces pièces en parfait état offrent un rare aperçu des craintes et des stratégies de conservation des richesses à une période de bouleversements historiques.
Une découverte exceptionnelle
C’est sur le site de Sizewell C, où la construction d’une nouvelle centrale nucléaire a débuté en 2024, que le trésor a été découvert par les archéologues de l’Oxford Cotswold Archaeology (OCA). Les 321 pièces étaient enveloppées dans une pochette textile scellée avec du plomb, une méthode inhabituelle, mais efficace pour conserver des objets de valeur. Andrew Pegg, archéologue impliqué dans la fouille, raconte son émotion : « J’étais tout tremblant quand je l’ai découvert pour la première fois. Les informations que nous en tirons sont stupéfiantes. »
Les pièces, datées des années 1036 à 1044, couvrent une période marquée par le début du règne d’Édouard le Confesseur. Certaines proviennent de petits ateliers ruraux, ce qui les rend particulièrement rares et précieuses. La préservation de leur contexte d’enfouissement, un fait rare pour des trésors numismatiques, ajoute en outre une valeur inestimable à cette découverte.
Le contexte historique : de l’instabilité et des stratégies de survie
Ces pièces ont été enterrées à une époque de tensions politiques et sociales. En montant sur le trône en 1042, Édouard le Confesseur, le dernier roi anglo-saxon d’Angleterre, a en effet exilé plusieurs membres de l’élite et confisqué leurs terres. Ces troubles pourraient ainsi expliquer pourquoi le propriétaire de ce trésor a choisi de cacher sa richesse. Selon Alexander Bliss, spécialiste des pièces de monnaie à l’OCA, « le propriétaire était peut-être préoccupé par la situation politique et l’instabilité sociale plus large, et il a pris des mesures pour protéger sa richesse ».
La valeur de ce trésor, évaluée à environ 320 pence, était à l’époque une somme considérable, équivalente à l’achat de seize vaches. Ce n’était pas une fortune d’élite. Toutefois, c’était suffisant pour suggérer que le propriétaire était une personne de statut moyen et peut-être influente au niveau local, mais exposée aux risques liés au changement de régime.

Une conservation ingénieuse
L’utilisation du plomb pour envelopper les pièces est particulièrement intéressante. Ce matériau, plus robuste que le textile seul, était souvent utilisé pour protéger des objets de valeur, bien que les pots en terre cuite soient plus courants. Cette stratégie pourrait refléter une tentative de dissimuler les pièces ou simplement un manque d’accès à un contenant plus classique.
Après avoir été exhumée, la pochette a été ouverte en laboratoire. Les archéologues ont alors constaté que le plomb avait été plié pour former une enveloppe protectrice. « Cela montre que le propriétaire avait une intention délibérée de préserver le contenu », souligne Bliss. Ce soin apporté à la conservation indique que le trésor avait une grande valeur sentimentale ou économique pour son propriétaire.
Mais alors, pourquoi le propriétaire du trésor n’est-il jamais revenu le chercher ? Plusieurs scénarios sont possibles. Il pourrait avoir été tué ou exilé avant de pouvoir le récupérer. Il est également envisageable qu’il ait simplement oublié l’emplacement exact de sa cachette ou qu’il ait été empêché de revenir pour d’autres raisons, telles que des conflits ou des migrations forcées.
En somme, cette découverte ne se limite pas à un simple trésor. Elle raconte une histoire : celle d’une société où l’instabilité politique et les bouleversements sociaux poussaient les individus à prendre des mesures drastiques pour protéger leurs biens. Les pièces elles-mêmes, issues de divers ateliers ruraux, reflètent par ailleurs l’économie complexe et décentralisée de l’Angleterre du XIe siècle.
La rareté des trésors numismatiques anglo-saxons exhumés dans leur contexte d’origine ajoute à l’importance de cette découverte. Elle constitue en effet une source précieuse d’informations sur les pratiques économiques, les stratégies de survie et les peurs d’une époque révolue.
