C’est le tremblement de terre le plus profond (et étrange) jamais détecté

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Des géologues ont détecté le tremblement de terre le plus profond jamais enregistré à 751 kilomètres sous la surface de la Terre. Cette profondeur place le séisme dans le manteau inférieur où les pressions extrêmes rendent normalement « impossible » ce type de séisme. Du moins, c’est ce que l’on pensait.

Un séisme qui interroge les scientifiques

Signalé pour la première fois en juin dernier, le séisme n’était qu’une réplique mineure d’un séisme de magnitude 7,9 ayant secoué les îles Bonin, au large du Japon, en 2015. La secousse était d’ailleurs si faible qu’elle n’a pas été ressentie depuis la surface. Seuls des instruments ultra-sensibles ont ainsi eu vent de l’événement.

D’après ces analyses, le tremblement de terre se serait cependant produit à 751 kilomètres sous la surface. Or, jamais un séisme n’avait été détecté à une telle profondeur, dans le manteau inférieur, ce qui n’a pas manqué de surprendre les spécialistes. En effet, la grande majorité des tremblements de terre se déclenchent dans manteau supérieur, dans les cent premiers kilomètres sous la surface où les roches sont « froides et cassantes ».

Au-delà, les roches sont de plus en plus chaudes et soumises à des pressions plus élevées, ce qui les rend moins sujettes à la rupture. Jusqu’à 400 km environ, des tremblements de terre peuvent néanmoins toujours se produire lorsque des pressions élevées poussent sur les pores remplis de fluide dans les roches, forçant les fluides à sortir de leur cachette. Dans ces conditions, les roches sont effectivement plus sujettes à la rupture. À ces profondeurs, nous sommes toujours dans le manteau supérieur.

Au-delà, nous pénétrons dans le manteau inférieur où les pressions étaient jusqu’à présent jugées trop extrêmes pour entraîner ce type de rupture. Ce n’est pas pourtant pas une première. Des tremblements de terre ont en effet déjà été observés dans cet environnement, jusqu’à 670 km de profondeur environ.

Ainsi, cette nouvelle détection nous invite à repenser la manière dont les minéraux se comportent sous pression.

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Les îles Bonin, également connues sous le nom d’ îles Ogasawar, légendées en noir. Crédits : Wikipédia

Un monde souterrain encore très mystérieux

Une grande partie du manteau de la planète est constituée d’un minéral appelé olivine. Et plus on s’enfonce, plus les pressions amènent les atomes d’olivine à se réorganiser en une structure différente. À environ 155 km de profondeur, le minéral se transforme en wadsleyite. Encore 100 km plus loin, la wadsleyite se réorganise à nouveau en ringwoodite. Enfin, à environ 680 km sous la surface, la ringwoodite se décompose en deux minéraux, la bridgmanite et la périclase.

Or, toutes ces phases minérales se comportent différemment. Au fur et à mesure que l’olivine se transforme à plus haute pression, elle devient en effet plus susceptible de se plier et moins susceptible de se briser, ce qui pourrait conduire à la formation de tremblements de terre. C’est la raison pour laquelle un tel événement à une telle profondeur interroge les chercheurs.

Une possible explication avait toutefois été proposée dans les années 80. Des chercheurs avaient en effet découvert dans le cadre d’expériences que les phases minérales d’olivine n’étaient pas aussi nettes qu’on ne le pensait. Dans certaines conditions, l’olivine pourrait notamment « sauter » la phase de wadsleyite pour se réorganiser directement en ringwoodite. Au moment de cette transition et sous une pression suffisante, le minéral pouvait alors se briser au lieu de se plier.

Cette étude, publiée à l’époque dans la revue Nature, est intéressante. Néanmoins, elle ne peut pas expliquer les tremblements de terre prenant leur origine à ente 155 km et 255 km de profondeur. Le nouveau séisme des îles Bonin est quant à lui beaucoup plus profond.

Une autre possibilité serait que les minéraux se comportent différemment dans la région. La croûte continentale qui plonge vers le centre de la Terre serait ici beaucoup plus froide que les matériaux environnants, ce qui signifie que les minéraux de la région pourraient ne pas être assez chauds pour achever les changements de phase auxquels ils sont censés faire face à une pression donnée. Dans ces conditions, l’olivine resterait alors de l’olivine.

Cela pourrait expliquer pourquoi un tremblement de terre pourrait provenir de la croûte inférieure : il n’y fait tout simplement pas aussi chaud que les scientifiques s’y attendent. Le matériau serait alors suffisamment froid pour accumuler suffisamment de stress permettant la libération soudaine d’un tremblement de terre.