Et si la quête millénaire des alchimistes trouvait enfin une réponse dans nos laboratoires modernes ? Une startup du secteur de la fusion nucléaire, Marathon, affirme avoir mis au point une méthode pour transformer du mercure en or grâce aux réactions nucléaires dans un réacteur à fusion. Si cela peut sembler relever de la science-fiction, cette idée repose sur des bases physiques bien réelles. Mais l’objectif n’est pas tant de produire de l’or que de rendre la fusion nucléaire, longtemps considérée comme inaccessible, enfin rentable. Une promesse audacieuse qui pourrait changer la donne énergétique mondiale… si elle se confirme.
Le rêve de la fusion : un horizon toujours lointain
Depuis les années 1950, la fusion nucléaire fait rêver scientifiques et ingénieurs. En reproduisant le processus à l’œuvre au cœur du Soleil, elle permettrait de générer une énergie abondante, propre, sans les déchets radioactifs de la fission. Pourtant, malgré des décennies de recherche, la fusion reste techniquement très complexe et coûteuse. On dit souvent qu’elle est « toujours à 30 ans », tant les promesses sont repoussées au fil du temps.
Face à cette impasse, des entreprises privées comme Marathon cherchent à redonner un souffle au secteur. Leur idée : augmenter la valeur économique des centrales à fusion non seulement par l’électricité qu’elles produisent, mais aussi par des « sous-produits » issus des réactions nucléaires, susceptibles d’avoir une forte valeur ajoutée.
Le retour de l’alchimie… version 21e siècle
C’est ici qu’intervient la transformation du mercure en or. Un vieux rêve d’alchimiste, que la science moderne pourrait bien réactualiser. La clé réside dans la physique nucléaire : chaque élément chimique est défini par son nombre de protons. L’or, par exemple, a 79 protons ; le mercure, 80. Il n’est donc pas absurde d’imaginer qu’en enlevant un proton au mercure, on obtienne de l’or.
Dès 1941, des scientifiques avaient tenté cette transmutation en bombardant des atomes de mercure avec des particules pour en modifier la structure nucléaire. Le procédé a fonctionné, mais l’or ainsi obtenu était radioactif, donc inutilisable.
Aujourd’hui, Marathon propose une version bien plus élégante et potentiellement plus sûre. En utilisant l’isotope mercure 198 (Hg-198), présent naturellement, il serait possible, dans un réacteur à fusion, de déclencher une réaction dite (n,2n) : un neutron pénètre dans le noyau et en expulse deux. Cette réaction transforme Hg-198 en Hg-197, un isotope instable qui, après environ 64 heures, se désintègre naturellement en or stable (Au-197). Autrement dit, le mercure devient or par un processus entièrement piloté par des neutrons issus de la fusion.
Une production d’or pour booster la rentabilité
Selon les simulations menées par Marathon, une centrale à fusion optimisée pourrait produire plus de deux tonnes d’or par gigawatt thermique et par an. Cela représenterait une valeur économique doublée par rapport à une centrale produisant uniquement de l’électricité. De quoi, selon eux, attirer des investissements massifs dans la filière et accélérer le développement de la fusion à grande échelle.
Mais tout n’est pas si simple. Le processus peut générer aussi d’autres isotopes de l’or, certains légèrement radioactifs. Une norme stricte imposerait que l’or produit soit moins radioactif qu’une banane, un seuil très bas. Pour cela, il faudrait parfois attendre jusqu’à 18 ans avant de pouvoir utiliser ou vendre cet or en toute sécurité. Un obstacle logistique non négligeable.

Crédit : iStock
Crédits : its :naisupakit/istockUne promesse à prendre avec précaution
L’étude de Marathon est prometteuse, mais elle reste non évaluée par des pairs et a été publiée sur le serveur de préimpression arXiv, une plateforme souvent utilisée pour partager rapidement des idées scientifiques, sans validation formelle. Le principe physique est solide, mais sa mise en œuvre industrielle reste spéculative.
En outre, cette approche ne doit pas être vue comme un simple moyen de produire de l’or en masse. Le vrai enjeu est la viabilité économique de la fusion nucléaire. Si produire un sous-produit aussi précieux que l’or permet de rendre chaque centrale rentable, alors cela pourrait lever l’un des principaux freins au développement de la fusion : son coût.
Entre audace technologique et espoir énergétique
Transformer le mercure en or dans une centrale à fusion semble sortir tout droit d’un conte d’alchimiste, mais les fondements scientifiques de cette idée sont bien réels. Si les obstacles techniques et réglementaires peuvent être surmontés, cette stratégie pourrait changer profondément l’équation économique de la fusion nucléaire, et par là même, notre avenir énergétique. Mais comme toujours avec la fusion, le temps et la prudence seront les juges. En attendant, le rêve continue… avec peut-être un peu plus d’or à la clé.
