Le tourisme spatial, une menace pour le climat et la couche d’ozone

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Conception d'artiste du prochain avion spatial Dream Chaser de Sierra Space. Crédits : Espace Sierra

En plus des questions relatives à l’éthique et à la morale dans le contexte d’une humanité toujours en proie à de nombreuses inégalités, le développement du tourisme spatial aurait également des répercussions fortes sur le climat et la couche d’ozone comme le révèle une étude parue dans la revue Earth’s Future le 9 juin dernier.

Les travaux du professeur Robert G. Ryan et de son équipe ont montré que si les impacts environnementaux du secteur spatial étaient jusqu’à présent assez marginaux, une poursuite de sa croissance impliquerait une diminution notable de la couche d’ozone au-dessus du pôle nord, notamment entre la fin d’hiver et le début du printemps.

Or, contrairement à l’hémisphère sud, de nombreuses populations vivent aux hautes latitudes et seraient par conséquent exposées à une augmentation de la quantité de rayons ultraviolets arrivant en surface. Par ailleurs, le secteur spatial présente un potentiel significatif en termes de contribution au réchauffement climatique.

Le tourisme spatial : entre déclin de la couche d’ozone et contribution au réchauffement du climat

Ces résultats ont été obtenus grâce à un modèle de chimie atmosphérique intégrant les émissions des engins spatiaux actuels et des prototypes d’entreprises comme Virgin Galactic, SpaceX ou Blue Origin. Deux scénarios ont été explorés : l’un où la croissance du secteur se poursuit au rythme actuel et l’autre où le tourisme spatial s’est généralisé. Les résultats rapportent une diminution respective de 0,15 % et 0,24 % de l’ozone stratosphérique au-dessus de l’Arctique après une décennie de simulation.

Ce déclin résulte des oxydes d’azote et du chlore libérés par le passage des fusées et la retombée de débris spatiaux. Il sape ainsi la récupération de la couche d’ozone amorcée suite à la signature du protocole de Montréal. De plus, la suie libérée par la combustion du kérosène s’est révélée être un agent de réchauffement particulièrement efficace. Le forçage associé s’élève à 3,9 mW/m² après dix ans de croissance des émissions au taux de 2019 (5,6 %) et atteint 7,9 mW/m² trois ans après l’apparition d’un tourisme spatial de routine.

Évolution de l’ozone stratosphérique (O3) et du contenu de la stratosphère en chlore (Cly), oxydes d’azote (NOx), suie (BC) et alumine (Al2O3) après une décennie de croissance de l’industrie spatiale au taux observé en 2019 (5,6 % par an). Crédits : Robert G. Ryan & coll. 2022.

« Les lancements de fusées sont couramment comparés aux émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques de l’industrie aéronautique, ce qui est erroné, comme nous le démontrons dans notre travail », relate Eloise Marais, coauteure de l’étude.  « Les particules de suie provenant des lancements de fusées ont un effet climatique bien plus important que les avions et les autres sources terrestres, et il n’est donc pas nécessaire qu’il y ait autant de lancements de fusées que de vols internationaux pour avoir un impact similaire. Ce dont nous avons vraiment besoin maintenant, c’est d’une discussion entre experts sur la meilleure stratégie pour réglementer cette industrie en pleine expansion ».

Un axe de recherche à approfondir

Outre ces chiffres très signifiants, les auteurs soulignent que de futurs travaux seront nécessaires pour évaluer les conséquences associées à l’utilisation ainsi qu’aux sous-produits d’une variété de carburants, comme le méthane liquide ou les biocombustibles, qui pourraient remplacer à l’avenir des produits plus rustres comme le kérosène ou les composés à base de caoutchoucs synthétiques.

« Cette étude nous permet d’entrer dans la nouvelle ère du tourisme spatial en ayant les yeux grands ouverts sur les impacts potentiels », rapporte Robert Ryan, coauteur du papier. « La conversation sur la réglementation de l’impact environnemental de l’industrie des lancements spatiaux doit commencer maintenant afin que nous puissions minimiser les dommages causés à la couche d’ozone stratosphérique et au climat ».