Tortues vertes : Le changement climatique pourrait ne laisser que des femelles

tortue verte
Crédits : Pixabay / skeeze

Les tortues vertes ne se développent pas en mâles ou en femelles en fonction des chromosomes sexuels comme les humains et la plupart des autres mammifères. Au lieu de cela, c’est la température à l’extérieur d’un œuf qui influence le sexe de l’embryon. Et c’est précisément cette bizarrerie biologique met en danger leur avenir dans un monde de plus en plus chaud.

La tortue verte (Chelonia mydas) est une tortue marine présente dans les eaux tropicales de tous les océans. Lorsqu’une femelle atteint sa maturité sexuelle, elle retourne pondre plusieurs fois par an sur la plage où elle est née. Elles sont en effet obligées de pondre leurs œufs sur terre, car l’embryon à l’intérieur ne pourrait jamais survivre dans l’eau, celui-ci respirant à travers des pores dans la coquille. Une fois la cavité creusée, la femelle y pond environ 120 œufs. Au-dessus de 29,3 degrés Celsius, ils donneront une majorité de femelles. En dessous de cette température, ce seront majoritairement des mâles. Le climat, et donc la température du sol, influence donc notablement le développement de la couvée.

Et c’est un problème selon un nouveau rapport publié dans la revue Current Biology. « C’est l’un des documents de conservation les plus importants de la décennie », note le biologiste David Owens, professeur émérite à l’Université de Charleston. « Il ne faudra pas attendre longtemps, peut-être quelques décennies à un siècle, avant qu’il n’y ait plus assez de mâles dans les populations de tortues de mer », a-t-il averti.

Pour cette étude les chercheurs sont allés se mouiller à Raine Island, une île qui se trouve à proximité de la Grande Barrière de corail. Ce site idyllique est l’un des plus grands repères de tortues de mer au monde. Selon les scientifiques, plus de 99 % des jeunes tortues sont ici des femelles, ainsi que 87 % des tortues matures. Pour chaque mâle juvénile, il y a 116 tortues femelles. « Beaucoup d’autres espèces et populations que mes collègues étudient montrent déjà 90 % ou plus de populations féminines », note le biologiste. « Mais personne n’avait rien vu de tel ».

Les tortues n’ont en revanche pas besoin d’un rapport à égalité entre les mâles et les femelles. Quelques mâles suffisent pour s’accoupler avec toutes les tortues femelles. « Difficile d’évaluer les conséquences d’un rapport aussi marqué, mais cela pourrait avoir des conséquences en cascade », note Rory Telemeco, biologiste à la California State University Fresno, qui étudie la température et le développement des reptiles. Ainsi, si rien n’est fait pour contrer la tendance, il pourrait ne rester que des femelles dans les prochaines décennies.

Il existe toutefois une autre région de nidification, à plus de 1 600 km au sud de Raine Island, qui reste constamment plus fraîche. Dans le sud de l’Australie, le ratio mâle et femelle est moins asymétrique, avec une tortue mâle pour deux tortues femelles. Ces deux populations aux extrémités opposées du récif pourraient-elles alors se croiser ? C’est peu probable. Les tortues, comme le saumon, s’impriment sur leurs aires de naissance. La bonne nouvelle, c’est que les stratégies de gestion sont possibles. Ombrer les plages ou verser de l’eau sur le sable peut refroidir les aires de nidification.

Source