La terre noire amazonienne a été volontairement produite par les peuples anciens

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Crédits : Idesam / Flickr

Une étude a récemment apporté une nouvelle preuve de l’ingéniosité des peuples ancestraux. Des chercheurs affirment en effet que les ancêtres du peuple Kuikuro ont œuvré pour améliorer le potentiel agricole de zones que l’on nomme aujourd’hui terre noire. Pourtant, à l’origine, ce sol n’était pas vraiment fertile.

La terre noire, un sol pauvre à l’origine

Le bassin du fleuve Amazone est célèbre pour sa jungle tropicale luxuriante en danger. Ainsi, le commun des mortels pourrait penser que les terres de l’Amazonie sont naturellement très riches. Pourtant, ce n’est pas le cas puisque le sol y est acide et plutôt pauvre en nutriments. Il s’agit donc d’une terre finalement assez difficile à cultiver. Néanmoins, parmi des centaines de sites, les archéologues ont au fil du temps découvert des parcelles étonnamment sombres et surtout très fertiles.

Une étude a été menée conjointement par des chercheurs américains et brésiliens sur le sujet et a été publiée dans la revue Science Advances le 20 septembre 2023. Selon les auteurs de ces travaux, la terre noire amazonienne (ou terra preta) découverte près de très anciens vestiges d’infrastructures humaines n’est pas le fruit du hasard. Pour en venir à cette conclusion, ces chercheurs ont rassemblé des données provenant d’autres études, mais sont également allés directement sur le territoire du peuple Kuikuro, dans le sud-Est de l’Amazonie, entre 2018 et 2019. Or, cette zone est très intéressante puisqu’elle abrite des villages modernes ainsi que des sites archéologiques où vivaient les ancêtres des Kuikuro.

Fertilité et stockage de carbone

Aujourd’hui, les Kuikuro élaborent des amas de déchets alimentaires ressemblant à du compost, stockés principalement au centre de leurs villages. Après une certaine durée, ces déchets se décomposent et se mélangent au sol afin de former une terre sombre très fertile qui peut ensuite servir à la culture de plantes. Si de nos jours, ces villageois produisent intentionnellement de la « terre noire », qu’en est-il de leurs ancêtres ? Des analyses des sols des sites archéologiques ont permis d’identifier un schéma radial similaire entre ces mêmes sites et les dépôts de déchets des Kuikuro.

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Crédits : MIT / Science Advances

De plus, les compositions des terres noires modernes et anciennes étaient similaires. Elles étaient enrichies d’éléments tels que le phosphore, le carbone et d’autres nutriments aidant à la culture de denrées. De plus, ces éléments réduisent la toxicité de l’aluminium habituellement présent dans les sols, un problème malheureusement récurrent en Amazonie. Pour les auteurs de l’étude, cela ne fait absolument aucun doute : les actuelles pratiques des Kuikuro existaient déjà il y a plusieurs centaines, voire milliers d’années.

Les chercheurs ont par ailleurs affirmé que ces zones de terre noire incarnaient des puits de carbone sur le long terme. La confection de cette terre a en effet permis une accumulation de carbone encore visible aujourd’hui. Après avoir comparé les mesures des échantillons de sol avec des cartes montrant les lieux où se trouve la terre noire, les scientifiques ont ainsi pu affirmer que chaque village Kuikuro renferme des milliers de tonnes de carbone.