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Crédits : LV4260/istock

Une tempête solaire cataclysmique a frappé la Terre il y a moins de 3 000 ans

Source de lumière et de vie, le Soleil est aussi une étoile capricieuse capable de déchaîner des colères d’une ampleur inimaginable. Si aujourd’hui nous surveillons ces tempêtes solaires grâce à des satellites et des instruments modernes, qu’en est-il des événements solaires extrêmes survenus avant notre ère technologique ? Une étude révèle qu’une tempête solaire cataclysmique a frappé la Terre il y a moins de 3 000 ans, autour de 660 avant notre ère. Or, ce phénomène, baptisé événement Miyake, a laissé des traces précieuses dans la nature qui ont permis aux scientifiques d’en percer les mystères.

Les événements Miyake : des tempêtes hors normes

Les événements Miyake, découverts en 2012, désignent des épisodes de très forte activité solaire qui provoquent une augmentation soudaine d’isotopes radioactifs dans l’atmosphère terrestre. Ces phénomènes sont rares et violents : en 14 500 ans, seuls six ont été détectés. Longtemps mal compris, l’événement daté autour de 660 avant notre ère a récemment été confirmé grâce à des recherches poussées sur les archives naturelles comme les cernes des arbres et les carottes de glace.

Dans le détail, chaque année, les arbres forment en effet des cernes de croissance qui enregistrent les conditions environnementales, y compris les niveaux de carbone 14, un isotope radioactif qui augmente lors de fortes activités solaires. Une équipe de l’Université d’Arizona, dirigée par Irina Panyushkina et Timothy Jull, a donc étudié des cernes d’arbres anciens récupérés sur des berges de rivières et lors de fouilles archéologiques. En analysant la cellulose du bois, ils ont alors détecté un pic de radiocarbone qui correspond à l’événement solaire extrême survenu entre 664 et 663 avant notre ère.

Pour confirmer leurs observations, les chercheurs ont comparé ces données à celles des carottes de glace prélevées aux pôles. Les précipitations capturent un autre isotope, le béryllium 10, également produit lors des tempêtes solaires. Si les deux archives naturelles montrent un pic isotopique pour la même période, il est presque certain qu’une tempête solaire majeure a eu lieu.

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Le tronc d’un mélèze ancien repose sur les rives boueuses de la rivière Ob, en Sibérie. Des échantillons de ces arbres ont permis aux chercheurs de documenter des tempêtes solaires extrêmes dans un passé lointain. Crédits : Irina Panyushkina

Que se passerait-il aujourd’hui ?

Un événement Miyake dans le monde moderne aurait des conséquences majeures. Les tempêtes géomagnétiques extrêmes déclenchées par une telle activité solaire peuvent en effet perturber les champs magnétiques terrestres, ce qui mettrait en péril les infrastructures technologiques sur lesquelles repose notre société. Les satellites qui jouent un rôle clé dans les communications, la navigation GPS et les prévisions météorologiques sont notamment particulièrement vulnérables à ces déchaînements de particules solaires.

Un exemple historique est la tempête de Carrington de 1859, bien moins puissante qu’un événement Miyake, qui avait déjà provoqué des perturbations significatives. À l’époque, les réseaux télégraphiques, pourtant rudimentaires, avaient été gravement touchés. Des bureaux avaient pris feu et des opérateurs avaient subi des chocs électriques. Aujourd’hui, l’impact serait bien plus grave, car l’interconnexion des systèmes mondiaux rendrait chaque perturbation géomagnétique potentiellement catastrophique.

Les réseaux électriques seraient notamment en première ligne. Une surcharge induite par une tempête solaire pourrait provoquer des pannes généralisées, semblables à celles causées par la tempête géomagnétique de 1989 qui avait plongé une grande partie du Québec dans l’obscurité. Les réseaux modernes, plus complexes et plus étendus, sont encore plus vulnérables. En cascade, les infrastructures critiques comme les hôpitaux, les systèmes de transport et les services bancaires pourraient être gravement affectés.

De plus, les coûts économiques seraient colossaux. Une étude réalisée par la NASA a estimé qu’une tempête solaire majeure pourrait causer des pertes globales de l’ordre de 2 000 milliards de dollars en seulement quelques jours. À cela s’ajoutent les effets à long terme sur les chaînes d’approvisionnement et les tensions géopolitiques, dues à la désorganisation des systèmes de communication.

Préparer l’avenir en étudiant le passé

Bien que nous ne puissions pas empêcher les tempêtes solaires, comprendre ces événements constitue une étape cruciale pour mieux s’y préparer. Les recherches sur les événements Miyake nous aident en effet à anticiper les cycles solaires et à évaluer les risques. Cette connaissance est essentielle pour concevoir des stratégies de protection adaptées aux infrastructures modernes.

Un des axes prioritaires est le renforcement des satellites. Des matériaux plus résistants aux radiations solaires et des systèmes de mise en veille automatique lors des tempêtes pourraient limiter les dégâts. De même, les réseaux électriques doivent être renforcés avec des technologies capables d’isoler les composants critiques en cas de surtensions induites par des tempêtes géomagnétiques.

En parallèle, des systèmes d’alerte précoce permettent de gagner un temps précieux. Grâce à des satellites spécialisés comme ceux du programme Solar and Heliospheric Observatory (SOHO) ou de la mission Parker Solar Probe, il est possible de surveiller en temps réel l’activité solaire. En détectant les éjections de masse coronale suffisamment tôt, les opérateurs de réseaux peuvent prendre des mesures préventives, comme la mise hors ligne de certaines infrastructures.

Sur le plan international, une meilleure coordination est également essentielle. La collaboration entre les agences spatiales, les gouvernements et les opérateurs de réseaux électriques pourrait réduire les risques. Des exercices réguliers de simulation de tempêtes solaires permettraient de tester les systèmes de réponse et de minimiser les impacts.

Enfin, il est important de sensibiliser le public. Si les tempêtes solaires extrêmes sont rares, leur potentiel destructeur est trop souvent sous-estimé. En informant sur les gestes à adopter en cas de perturbation, comme la conservation d’eau potable et de moyens de communication alternatifs, nous pourrions réduire les effets sur les populations.

Les détails de l’étude sont publiés dans la revue Communications Earth & Environment.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.