Proxima b, l’exoplanète la plus proche de la Terre, intrigue les astronomes en raison de son potentiel à héberger la vie. Malheureusement, les méthodes traditionnelles de détection ne s’appliquent pas à elle. Une étude récente explore cependant une approche novatrice qui utiliserait le télescope géant européen (ELT).
Un problème de caractérisation avec Proxima b
Proxima b, l’exoplanète la plus proche de la Terre, présente une masse similaire à celle de notre planète. Recevant environ 65 % de l’énergie solaire reçue par la Terre, cette planète pourrait potentiellement posséder des océans et une atmosphère riche en oxygène en fonction de son évolution passée.
Bien qu’elle soit notre voisin le plus proche et représente une cible prometteuse dans la quête de vie extraterrestre, une difficulté subsiste : les méthodes classiques de détection des signes de vie ne sont pas adaptées à Proxima b.
La méthode prédominante pour découvrir des exoplanètes est celle du transit. Le principe est le suivant : une planète traverse périodiquement devant son étoile depuis notre point de vue, ce qui entraîne une diminution régulière de la luminosité stellaire.
Lorsque la lumière stellaire traverse l’atmosphère de l’exoplanète, certaines longueurs d’onde sont également absorbées, ce qui crée un modèle d’absorption distinct. L’analyse de ces modèles permet alors d’identifier des molécules spécifiques telles que l’eau, le dioxyde de carbone et d’autres composés dans l’atmosphère des exoplanètes. Cependant, Proxima Centauri B ne présente pas de transit planétaire. Sa découverte repose en effet sur une approche distincte appelée spectroscopie Doppler.
Concrètement, en observant la lumière émise par Proxima Centauri, les chercheurs ont détecté un léger décalage vers le rouge et le bleu au fil du temps, révélant ainsi son mouvement. Autrement dit, l’étoile s’éloignait et se rapprochait très subtilement depuis notre point de vue. Ces mouvements sont générés par les forces gravitationnelles exercées par Proxima b.
Bien que cette approche ait permis de glaner des informations sur la taille et la masse de l’exoplanète, son absence de transit devant son étoile limite cependant notre capacité à observer son spectre d’absorption atmosphérique, ce qui nous ramène à ces récents travaux.
Réflexion de la lumière stellaire
Une nouvelle étude suggère une approche alternative pour détecter la vie en se basant sur la réflexion de la lumière stellaire par l’atmosphère de la planète. En substance, au lieu d’analyser la lumière qui traverse directement l’atmosphère, l’idée serait d’examiner la lumière directement réfléchie par la planète. Cette méthode, déjà utilisée pour des planètes comme Mars et les planètes extérieures qui ne transitent pas devant le Soleil, pourrait également être appliquée aux exoplanètes.
Cependant, il y a un défi majeur : la lumière réfléchie par une planète est extrêmement faible par rapport à l’éclat de son étoile hôte. Détecter la lumière réfléchie d’une planète revient en effet à essayer de capter la lueur d’une luciole à proximité du faisceau lumineux d’un projecteur.
Les astronomes ont donc adopté l’utilisation de « masques » (coronographes) pour occultation afin de bloquer l’éclat central d’une étoile et ainsi observer les éventuelles planètes qui l’entourent. Cette technique a déjà été appliquée pour étudier directement des planètes gazeuses massives en orbite autour d’étoiles, mais elle n’a pas encore été pleinement exploitée pour les mondes de taille terrestre.
Le Télescope géant européen
Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont exploré le potentiel du Télescope géant européen, actuellement en construction au nord du Chili, et notamment de son instrument HARMONI. Pour rappel, ce télescope est un projet ambitieux mené par l’Observatoire européen austral (ESO). Il s’agit d’un télescope optique et infrarouge de 39 m de diamètre conçu pour être le plus grand télescope au monde dans sa catégorie. L’ELT (pour Extremely Large Telescope en anglais) est positionné pour jouer un rôle majeur dans l’avancement de l’astronomie observationnelle, offrant des capacités inégalées pour l’étude des exoplanètes, des galaxies lointaines, des supernovae et bien plus encore.
Dans le cadre de l’ELT, le spectrographe de champ intégral optique monolithique et proche infrarouge à haute résolution angulaire (HARMONI) est une pièce maîtresse. HARMONI est en effet conçu pour fournir des données spectrales haute résolution dans le domaine optique et proche infrarouge. Il s’agit d’un instrument polyvalent qui offre des capacités d’imagerie, de spectroscopie et de polarimétrie, le tout combiné avec une résolution angulaire élevée. Il permettra surtout aux astronomes d’explorer en détail la composition chimique, la dynamique et d’autres caractéristiques des objets célestes.
Quelques ajustements nécessaires
Pour cette étude, les chercheurs ont simulé des observations de Proxima Centauri en utilisant un effet de masquage pour isoler la lumière de son exoplanète. La question centrale était donc de savoir si HARMONI pouvait ou non recueillir suffisamment de données à haute résolution pour détecter d’éventuelles molécules biogéniques.
Il en est finalement ressorti que ce n’était pas le cas dans la configuration actuelle proposée, car le coronographe est trop vaste, ce qui obstrue ainsi la majeure partie de la lumière en provenance de l’exoplanète. Cependant, les chercheurs ont identifié une possibilité de modification de sa configuration de manière à permettre l’étude de l’atmosphère de Proxima Centauri B.
Bien que ces modifications ne soient ni simples ni économiques, elles pourraient être justifiées si l’on considère que Proxima Centauri B est une candidate de choix sur la liste restreinte des mondes que nous envisageons de visiter en premier lors de l’envoi de sondes au-delà de notre Système solaire. La perspective de découvrir une vie potentielle placerait cette exoplanète voisine en tête de nos priorités d’exploration interstellaire. Il va toutefois falloir se montrer patients, car l’inauguration de ce télescope, prévue initialement en 2024, est finalement programmée pour 2027.