Tatouage : une étude alerte sur un risque possible de cancer

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Crédits : YakobchukOlena/iStock

Expression de son identité, besoin de se démarquer, considérations esthétiques, honorer un proche, immortaliser un événement… Pour de nombreuses raisons, le tatouage s’impose comme une forme d’art personnel et de transformation corporelle de plus en plus populaire, au point de transcender les barrières d’âge, de statut socio-économique ou même de culture. Plus de 13 millions de personnes affichent ainsi un ou plusieurs tatouages en France et ce nombre ne cesse d’augmenter. Toutefois, les risques liés à l’encre, potentiellement cancérigène, et aux effets à long terme de ces symboles gravés à même la peau restent à ce jour très méconnus. Des chercheurs de l’Université de Lund ont donc cherché à investiguer l’association possible entre le tattoo et le cancer du système lymphatique (ou lymphome). Ils tirent à présent la sonnette d’alarme.

Lymphome : un risque accru en cas de tatouage

Dans le numéro à paraître en juin 2024 dans la revue eClinicalMedicine, des scientifiques de l’Université de Lund (Suède) établissent un lien entre les tatouages et le risque. L’étude a ici porté sur 11 905 personnes entre 20 à 60 ans au total, dont 2938 atteintes d’un lymphome. « Nous avons identifié les personnes ayant reçu un diagnostic de lymphome dans les registres de population. Ces personnes ont ensuite été appariées à un groupe témoin du même sexe et du même âge, mais sans lymphome. Les participants à l’étude ont répondu à un questionnaire sur les facteurs liés au mode de vie afin de déterminer s’ils étaient tatoués ou non », explique Christel Nielsen, professeure d’épidémiologie à l’université suédoise et auteure principale de l’étude dans un communiqué.

Au final, 54 % des patients atteints d’un lymphome ont répondu au questionnaire (soit 1398 personnes) contre 47 % dans le groupe témoin (soit 4193 personnes). D’après les résultats, 21 % des personnes atteintes de lymphome avaient au moins un tatouage (soit 289 individus) contre 18 % dans le groupe témoin (735 individus). « Après avoir pris en compte d’autres facteurs pertinents, tels que le tabagisme et l’âge, nous avons constaté que le risque de développer un lymphome était 21 % plus élevé chez les personnes tatouées. Il est important de rappeler que le lymphome est une maladie rare et que nos résultats s’appliquent au niveau du groupe », affirme la chercheuse.

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Crédits : Pexels

La taille du tatouage et l’encre dans le viseur des scientifiques

Aux prémices de ces recherches, les chercheurs avaient émis la théorie selon laquelle la taille du tatouage pouvait avoir une influence sur les risques encourus. Toutefois, ils durent rapidement se rendre à l’évidence. En effet, d’après leur étude, les dimensions ne changent finalement rien. « Nous ne savons pas encore pourquoi. On peut seulement supposer qu’un tatouage, quelle que soit sa taille, déclenche une inflammation de bas niveau dans le corps, qui peut à son tour déclencher un cancer. Le tableau est donc plus complexe que nous ne l’avions imaginé au départ », déplore Christel Nielsen.

Les scientifiques rappellent en outre que les encres utilisées pour tatouer peuvent contenir des substances potentiellement nocives et cancérogènes (pigments, métaux lourds, etc.) qui pénètrent la peau. Elles pourraient alors se propager au sein même du système lymphatique et occasionner ainsi des problèmes de santé. Il se pourrait aussi que lors de la pénétration, l’organisme puisse percevoir l’encre comme une substance étrangère, induisant alors une réaction du système immunitaire visant à l’éliminer. Cela crée ensuite des dépôts qui s’accumulent dans les ganglions lymphatiques et favorisent le développement du cancer. Toutefois, les mécanismes à l’œuvre restent à identifier plus précisément.

Et pour la suite ?

« Les gens voudront probablement continuer à exprimer leur identité par le biais de tatouages, et il est donc très important que nous, en tant que société, puissions nous assurer que cela ne présente aucun danger. Pour l’individu, il est bon de savoir que les tatouages peuvent affecter sa santé et qu’il doit s’adresser à son médecin s’il ressent des symptômes qu’il pense pouvoir être liés à son tatouage », affirme la chercheuse. Pour l’heure, rappelons néanmoins qu’il n’existe aucune association directe et avérée entre un cas de cancer et le tatouage. Ces travaux n’en sont en outre qu’à leurs balbutiements.

« Les résultats doivent maintenant être vérifiés et approfondis dans d’autres études, et ces recherches sont en cours », admet-elle. De futures recherches par cette même équipe viseront notamment également à déterminer s’il existe un lien ou non entre le tatouage et d’autres formes de cancer comme des maladies inflammatoires.