Nous savions déjà que les fumeurs ont tendance à avoir un cerveau plus petit que les non-fumeurs en termes de volume. Cependant, il n’était pas clair si le tabagisme provoque un rétrécissement du cerveau ou si les personnes ayant un cerveau plus petit sont plus susceptibles de commencer à fumer. Une étude massive concentrée sur plus de 28 000 participants a néanmoins récemment confirmé la première idée. Le tabagisme rétrécit ainsi le cerveau de manière causale.
On le sait : le tabagisme présente de nombreux risques pour la santé, à la fois pour les fumeurs et pour les personnes exposées à la fumée secondaire. C’est notamment la principale cause de cancer du poumon qui est l’un des cancers les plus mortels dans le monde. Le tabagisme augmente également le risque de développer d’autres cancers tels que le cancer de la gorge, de la vessie, du pancréas, du rein, de l’estomac, du foie et du col de l’utérus.
Le fait de fumer régulièrement est également associé à des maladies cardiovasculaires telles que l’hypertension artérielle, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies coronariennes, la thrombose veineuse profonde et l’artérite des membres inférieurs. Nous savons aussi que cela a un impact négatif sur le système respiratoire, entraînant des maladies telles que la bronchite chronique, l’emphysème et la maladie pulmonaire obstructive chronique, pour ne citer que quelques exemples.
Qu’en est-il des effets sur le cerveau ?
Des études antérieures avaient déjà identifié un lien entre le tabagisme et un volume cérébral plus petit. Cependant, on ignorait encore s’il s’agissait d’un véritable lien de cause à effet. Pour en savoir plus, des chercheurs de l’université de Washington, à St.Louis, ont donc analysé les données d’imagerie cérébrale de la UK Biobank.
La UK Biobank est une grande étude de cohorte à long terme visant à étudier les facteurs de risque pour les maladies communes telles que les maladies cardiaques, le diabète, le cancer, les troubles mentaux et d’autres maladies chroniques. Créée en 2006, cette étude a recruté plus de 500 000 participants âgés de 40 à 69 ans en provenance de l’ensemble du Royaume-Uni. Les participants ont fourni des informations détaillées sur leur mode de vie, leur environnement et leur santé ainsi que des échantillons de sang, d’urine et de salive qui ont été stockés pour des analyses futures. Les participants ont également été suivis au fil du temps. Pour ces raisons, la UK Biobank est donc l’une des études de cohorte les plus importantes au monde.
Dans le cadre de ces nouveaux travaux, en plus des scintigraphies cérébrales, les chercheurs ont analysé les habitudes tabagiques autodéclarées des participants, telles que recueillies dans les enquêtes. Les participants ont répondu à ces enquêtes deux fois, une fois entre 2006 et 2010 et une autre entre 2012 et 2013. Dans la deuxième fenêtre, les cerveaux des participants ont également été imagés à l’aide d’une méthode appelée imagerie par résonance magnétique.

Matière grise et substance blanche
L’analyse des résultats a révélé que par rapport aux personnes qui n’avaient jamais fumé quotidiennement, les participants qui ont fumé quotidiennement à un moment donné avant d’avoir leur cerveau imagé avaient des volumes cérébraux inférieurs de 7,1 centimètres cubes (cc) en moyenne. Cette différence de volume cérébral comprenait une diminution de 5,5 cc de la matière grise du cerveau et de 1,6 cc de la substance blanche.
Pour rappel, la matière grise et la substance blanche sont deux composantes clés du cerveau. La première est la partie du cerveau où se trouvent les corps cellulaires des neurones. Elle est responsable du traitement de l’information et de la prise de décision. On la trouve principalement dans le cortex cérébral, qui est la couche externe du cerveau, mais aussi dans les ganglions de la base, le thalamus et l’hypothalamus. De son côté, la substance blanche est la partie du cerveau où se trouvent les axones des neurones, des fibres nerveuses qui permettent aux neurones de communiquer entre eux. La substance blanche est donc responsable de la transmission de l’information à travers le cerveau et le corps.
Ensuite, les chercheurs ont constaté que parmi les anciens fumeurs quotidiens, les participants qui fumaient plus intensément présentaient des différences encore plus importantes dans le volume de matière grise. Chaque « année de paquet » supplémentaire fumée (une mesure équivalente à fumer un paquet par jour pendant un an) était liée à une diminution d’environ 0,15 cc du volume de matière grise en moyenne. En revanche, la fréquence à laquelle les personnes fumaient n’avait pas d’impact significatif sur leur volume de matière blanche.
Les auteurs de ces analyses concluent donc que cette grande étude soutient l’idée que le tabagisme réduit de manière causale les volumes cérébraux.

Un processus qui peut être inversé
D’autres analyses ont également révélé que les personnes qui avaient arrêté de fumer depuis plus longtemps avaient un peu plus de matière grise dans leur cerveau par rapport à celles qui avaient arrêté plus récemment. Cela suggère que l’arrêt du tabac peut légèrement inverser la baisse du volume cérébral. Par exemple, arrêter de fumer un an de plus était lié à une augmentation supplémentaire de 0,09 cc du volume de matière grise chez les anciens fumeurs quotidiens.
Rappelons que le rétrécissement du cerveau a déjà été associé à des maladies neurologiques, telles que la maladie d’Alzheimer. Ainsi, l’établissement d’un lien de causalité entre le tabagisme et la baisse du volume cérébral pourrait permettre de mieux comprendre si le tabagisme entraîne directement ces maladies par le biais de ce mécanisme.