Appelé aussi colopathie fonctionnelle, le syndrome de l’intestin irritable handicape la vie de nombreuses personnes. Des douleurs abdominales, des troubles du transit, de la fatigue, ou encore des maux de tête sont des manifestations de cette maladie chronique qui touche 5 % de la population française. Les éléments déclenchant le syndrome sont multiples, mais demeurent largement méconnus. Toutefois, une étude américaine en prépublication pourrait bien de nous éclairer quant aux causes du syndrome de l’intestin irritable, et notamment des raisons qui font que la maladie touche en majorité les femmes.
Une maladie chronique complexe
Rappelons que le syndrome de l’intestin irritable (SII) est sans gravité. Il reste néanmoins très dérangeant pour des millions de personnes. Hélas, il n’existe à ce jour que des traitements atténuant la douleur. Pour une prise en charge efficace du syndrome, la piste des probiotiques pour intestin irritable reste prometteuse ! En effet, ces micro-organismes vivants (des levures ou des bactéries) ont une action bénéfique sur le système digestif. Ils rendent par exemple les parois intestinales moins perméables aux agents pro-inflammatoires.
Avoir une bonne hygiène de vie aide par ailleurs grandement à vivre avec le SII. L’activité physique régulière, l’arrêt de tabac et de boissons caféinées permettent de voir de réelles améliorations dans le quotidien des malades. En outre, l’alimentation joue bien évidemment un rôle crucial dans le déclenchement de crises. Légumes crus, fruits acides et épices sont des aliments irritants à éviter, de même que ceux composés de fibres insolubles comme le blé ou les pois. La nourriture difficile à digérer (avec beaucoup de matières grasses) ou qui fermente (légumineuse et choux par exemple) peut provoquer des douleurs. Le stress est aussi un facteur à surveiller.
Les recherches quant aux raisons du SII font l’objet d’un intérêt grandissant. Parue en 2021 dans le journal Nature, une étude belge a mis en lumière des causes possibles. Les équipes du docteur Guy E. Boeckxstaens ont effectivement testé avec succès l’hypothèse d’une réponse immunitaire anormale et locale durant la digestion d’un élément irritant. Leurs conclusions pointeraient ainsi le rôle des infections ou des intoxications alimentaires dans le déclenchement du SII.
Une étude américaine qui risque de changer la donne
Une équipe de l’Université de Californie à San Francisco a testé à son tour une hypothèse : celle de l’activation de cellules entéroendocrines. Elles détectent des signaux et transmettent ensuite une information au cerveau. Parmi ces cellules, on trouve une sous-population bien particulière dans le système digestif : les cellules entérochromaffines (EC). Durant la digestion, ces dernières servent de capteurs pour les stimuli environnementaux et endogènes, comme ceux provoqués par des agents irritants, le stress ou des distensions mécaniques de l’intestin. En cas de détection, les cellules EC s’activent et émettent un signal interprété par de la douleur. Or, ce sont justement sur ces entités que l’équipe américaine s’est concentrée.
D’abord, les chercheurs ont stimulé les cellules EC d’un groupe de souris grâce à un agent activant : l’isovalérate (un acide gras à chaîne courte d’origine bactérienne). Ensuite, ils ont simulé chez les rongeurs des ballonnements et des gaz intestinaux afin d’observer leur réaction. Un groupe témoin, non soumis à l’isovalérate, a servi de comparaison entre les populations de souris. D’étonnants résultats n’ont pas tardé à apparaître.
Une piste pour expliquer que le syndrome de l’intestin irritable touche en majorité les femmes
Suivant les observations des chercheurs, une suractivation des cellules EC serait responsable de plus grandes souffrances lors de distensions colorectales (situées sur le gros intestin). Néanmoins, tous les rongeurs ne sont pas logés à la même enseigne. Les souris mâles sont en effet bien plus sensibles à la douleur après l’exposition à l’agent activant. En revanche, les femelles étaient tout aussi hypersensibles avec l’isovalérate que sans.
Par la suite, l’équipe de l’Université de Californie a réitéré son expérience, mais en atténuant les effets des cellules EC. Cette fois, les femelles ont moins souffert lors des simulations de ballonnements et de gaz intestinaux. L’activité de base des cellules EC serait donc plus importante chez les femelles. Elles éprouveraient ainsi une plus grande douleur durant des problèmes intestinaux. Les chercheurs croient tenir là un élément afin d’expliquer les disparités sexuelles du syndrome de l’intestin irritable qui touche en majorité les femmes. Cela viendrait de leurs cellules EC, plus sensibles que celles des hommes. Toutefois, ce n’est pas la seule piste intéressante que leurs résultats ont permis de dégager.
Les douleurs chroniques du syndrome de l’intestin irritable
Après avoir montré que la suractivité des cellules EC pouvait être responsable d’une hypersensibilité de l’appareil digestif, les chercheurs ont mené une autre expérience riche d’enseignements. Pendant trois semaines, ils ont soumis les souris à un agent activant les fameuses cellules. Ils ont alors remarqué une sensibilité accrue jusqu’à 72 heures après arrêt de l’administration de l’agent activant. Les cellules EC peuvent donc rester activées longtemps après l’ingestion d’un élément irritant, ce qui expliquerait la persistance des douleurs même après la disparition de l’aliment problématique.
Les pistes révélées par l’équipe américaine devraient permettre de mieux comprendre les mécanismes déclenchant le syndrome de l’intestin irritable. De là pourrait ainsi émerger de nouveaux traitements qui aideraient le quotidien de millions de personnes à travers le monde.