Supposées résistantes, les diatomées sont meurtries par l’acidification des eaux

Crédits : NASA's Goddard Space Flight Center.

Longtemps considérées comme résistantes, voire avantagées par l’acidification des océans, les diatomées se montrent en réalité très sensibles à cette dernière et n’échapperaient pas à la perspective d’un déclin notable. C’est en tout cas ce que rapporte une étude parue dans la prestigieuse revue Nature le 25 mai dernier.

Les diatomées se présentent comme un ensemble de microalgues, un constituant essentiel du phytoplancton et le socle sur lequel reposent les chaînes alimentaires marines. Or, si l’on pensait jusqu’à présent que ces organismes étaient peu affectés par l’acidification des océans, de nouveaux travaux ont révélé une forte sensibilité à la diminution du pH des eaux de mer.

Diatomées et acidification des eaux

En effet, pour former leur test (enveloppe minérale), nombre d’organismes marins ont besoin d’une eau riche en carbonates. Toutefois, la dissolution du dioxyde de carbone (CO2) dans les océans et l’acidification qu’elle entraîne induit une baisse de la teneur en carbonates. Aussi, il devient de plus en plus difficile pour les organismes de synthétiser du carbonate de calcium, élément essentiel à la formation des tests.

Cependant, comme les diatomées fonctionnent sur un mode très différent, les chercheurs pensaient que l’acidification des eaux n’était pas un problème pour eux. Et pour cause, en lieu et place du carbonate, ces algues utilisent la silice présente dans l’océan supérieur sous forme d’acide silicique pour synthétiser leurs coquilles d’opale (on parle de frustule).

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Relation entre pH de l’eau (abscisse) et augmentation du rapport silice/azote avec la profondeur (ordonnée). Ces données obtenues grâce à des mesures in situ montrent que plus le pH est bas, plus la silice se dissout lentement et en profondeur. Crédits : J. Taucher & coll. 2022.

Or, les travaux du professeur Jan Taucher et de son équipe ont montré qu’avec un pH plus bas, la silice met plus de temps à se dissoudre et à former de l’acide silicique. Par conséquent, ce dernier devient moins présent dans les eaux de surface où se développent les diatomées et, à l’inverse, plus abondant en profondeur où il est plus difficile pour les organismes d’y accéder.

Vers une diminution signifiante des diatomées

Au vu de ces résultats obtenus grâce à des expériences effectuées in situ, les scientifiques s’attendent à une baisse d’environ 25 % du nombre de diatomées d’ici le prochain siècle. Il va sans dire que les implications en termes d’évolution du puits de carbone océanique et de biologie marine sont nombreuses, mais également mal cernées.

« Cette étude met une fois de plus en évidence la complexité du système Terre et la difficulté associée à prédire en intégralité les conséquences du changement climatique d’origine humaine », souligne Ulf Riebesell, coauteur du papier. « Des surprises de ce genre nous rappellent encore et encore les risques incalculables que nous courons si nous ne luttons pas rapidement et de manière décisive contre le changement climatique ».