Découverte du plus vieux sperme animal

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Reconstruction d'artiste des ostracodes accouplés. Crédits : YANG Dinghua

Une équipe de paléontologues annonce avoir découvert le plus ancien sperme fossilisé. Piégé dans un morceau d’ambre vieux de 100 millions d’années, il a été produit par un minuscule crustacé.

Les Ostracodes (Ostracoda), une classe de petits crustacés bivalves, sont les arthropodes fossiles les plus abondants depuis l’Ordovicien. La très grande majorité n’est en revanche représentée que par des coquilles calcifiées. Leurs parties molles, qui pourraient nous fournir des informations biologiques inestimables, ont à l’inverse beaucoup plus de mal à survivre à l’épreuve du temps. Elles sont donc extrêmement rares, d’où l’intérêt de cette nouvelle découverte.

Du sperme vieux de 100 millions d’années

Une équipe de paléontologues de l’Académie chinoise des sciences (NIGPAS) vient en effet de présenter des fossiles d’Ostracodes où les parties molles (appendices et organes reproducteurs) étaient encore préservées. Tous ces spécimens représentent une espèce de crustacé jusque-là inconnue, nommée Myanmarcypris hui. Ils ont été retrouvés dans un morceau d’ambre du Myanmar vieux de 100 millions d’années.

À l’intérieur, les chercheurs annoncent également avoir identifié un échantillon de sperme. Les plus anciens exemples connus de spermatozoïdes fossilisés dataient jusqu’ici de 17 millions d’années.

La pièce d’ambre contient plus précisément 39 Ostracodes. Parmi eux figurent des mâles, des femelles, mais aussi des juvéniles. Grâce à la microtomographie aux rayons X, les chercheurs ont pu obtenir des images tridimensionnelles à haute résolution de leurs parties molles.

Ils ont alors identifié des pompes à sperme, des Hémipénis, des oeufs et même des réceptacles séminaux femelles contenant du sperme (spermathèque). C’est dans l’un de ces réceptacles que les spermatozoïdes en question ont été retrouvés. Nous pourrions alors imaginer que la femelle concernée a eu un rapport sexuel peu avant de se retrouver piégée dans l’ambre.

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La pièce d’ambre étudiée montrant la position des spécimens. Crédits : Wang et coll., Proceedings B, 2020

Des spermatozoïdes « géants »

Autre particularité de leur découverte : ces spermatozoïdes étaient également des « géants », pouvant mesurer jusqu’à 4,6 fois la taille du corps du mâle géniteur. « Cela équivaut à environ 7,30 m chez un humain de 1,70 m donc cela nécessite énormément d’énergie pour les produire !« , explique à l’AFP Renate Matzke-Karasz de l’Université Louis-et-Maximilien de Munich et co-auteure de l’étude.

Contrairement à la plupart des mâles dans le monde animal (y compris chez les humains), ces Ostracodes produisent en revanche beaucoup moins de ces spermatozoïdes. Tout comme certaines mouches drosophiles, ces crustacés minuscules « favorisaient ainsi la qualité plutôt que la quantité« .

Ces spermatozoïdes exceptionnellement longs étaient également immobiles au moment du transfert dans le corps de la femelle via les hémipènes. Après avoir emprunté deux longs canaux, ils terminaient leur chemin dans un réceptacle séminal en forme de sac dans lequel ils devenaient finalement mobiles, s’organisant pour féconder les œufs.

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Une reconstruction de l’organe reproducteur d’une femelle ostracode rempli de spermatozoïdes. Crédits : R. Matzke-Karasz

Il faut également savoir que les ostracodes existent depuis 500 millions d’années et qu’ils sont aujourd’hui toujours représentés par des milliers d’espèces vivant dans les océans, les lacs et les rivières. Cette découverte montre ainsi « que la reproduction avec des spermatozoïdes géants n’est pas une extravagance de l’évolution en voie d’extinction. Au contraire, elle représente un avantage sérieux à long terme pour la survie d’une espèce« , conclut Mme Matzke-Karasz.

Les détails de l’étude sont publiés dans les Actes de la Royal Society B: Biological Sciences.