Victime de son succès, SpaceX fait face à des manœuvres basses et amères

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Crédits : SpaceX

De récents mails piratés témoignent du lobbying intensif opéré par les dirigeants de United Launch Alliance visant à discréditer SpaceX. Ces échanges portent essentiellement sur de soi-disant relations privilégiées entre la NASA, l’administration Trump, Elon Musk et la Chine.

Il y a quelques jours, la société Blue Origin de Jeff Bezos portait son combat contre le programme d’atterrissage lunaire habité de la NASA devant un tribunal fédéral. La plainte, qui s’inscrit dans une croisade de plusieurs mois menée par la société pour gagner une partie des fonds proposés par l’agence américaine qui souhaite ne s’appuyer que sur SpaceX pour renvoyer des humains vers la Lune, retardera une fois de plus le développement du programme Artemis.

Cependant, Blue Origin n’est visiblement pas la seule à voir le succès de SpaceX d’un mauvais œil. Plusieurs mails diffusés il y a quelques jours sur un forum de piratage témoignent en effet de plusieurs manœuvres orchestrées par United Launch Alliance (ULA), un client historique de la NASA, pour discréditer Elon Musk.

La NASA, « incompétente et imprévisible »

Six mails, dont une partie du contenu vient d’être partagée par Ars Technica, auraient été diffusés en avril et mai dernier. Ces derniers impliquent une correspondance entre Robbie Sabathier, vice-présidente des opérations gouvernementales et des communications stratégiques à ULA, et Hasan Solomon, un lobbyiste de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (grand syndicat de l’aérospatiale).

Dans l’un de ces mails, Robbie Sabathier aurait ainsi qualifié la direction de la NASA d' »incompétente et imprévisible« , sous prétexte que l’agence américaine aurait favorisé SpaceX pour des raisons politiques sous la direction de l’administration Trump.

« Les gros investissements des contribuables de la NASA sont gaspillés en raison de la relation chaleureuse établie par les piratages politiques de Trump au sein de la NASA« , peut-on notamment lire dans l’un des mails datant du 23 avril. « Le programme d’exploration de l’espace lointain du gouvernement américain est en danger : l’exploration spatiale est menacée en raison des faveurs politiques offertes à Elon Musk« .

Dans ces mails, Sabathier note également à Solomon que Bill Nelson, le nouvel administrateur de la NASA, devrait être informé du favoritisme de l’administration Trump envers SpaceX et devrait être encouragé à le dénouer. Sabathier tente alors de dépeindre Musk comme un puissant soutien républicain ayant utilisé son influence pour remporter des contrats avec la NASA.

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Elon Musk, l’ancien administrateur de la NASA Jim Bridenstine, le vice-président Mike Pence et la seconde dame Karen Pence applaudissent Doug Hurley et Bob Behnken le 27 mai 2020 peu avant leur lancement vers l’ISS. Crédits : Bill Ingalls / NASA

« Nous sommes là pour vous servir ! »

Dans un autre mail datant du 23 avril, Solomon remercie Sabathier de lui avoir envoyé un article du site conservateur Townhall.com qui critique Elon Musk pour son mépris des règles de sécurité. « C’est très utile !!! Je rencontrerai le personnel de l’engagement public de la Maison-Blanche la semaine prochaine et leur ferai part de nos préoccupations concernant Elon Musk« , écrit Hasan Salomon. Ce à quoi Sabathier répond : « Faites-moi savoir si vous avez besoin d’autre chose, nous sommes là pour vous servir !« .

Les e-mails et le document Microsoft Word qui les accompagne contiennent également des allégations selon lesquelles Elon Musk entrerait constamment en confrontation avec les agences de réglementation américaines concernant son entreprise automobile Tesla, tandis qu’il serait plus enclin à accepter les conditions des régulateurs chinois.

Sur le papier, cela n’a rien de surprenant. Comme le rappelle Eric Berger, de Ars Tectnica, Musk a toujours eu une relation difficile avec les organismes de réglementation américains. Ses désaccords avec la Federal Aviation Administration (DAA), qui semble parfois vouloir freiner le développement du Starship, en sont des exemples. En outre, nous savons que les entreprises américaines doivent respecter des règles chinoises strictes pour pouvoir opérer en Chine.

Interrogée par Ars Technica, Jessica Rye, une porte-parole de ULA, a refusé de commenter le contenu de ces mails.

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Le « Starship » de SpaceX posté sur la surface lunaire. Crédits : NASA

ULA dans le déni

Cela étant dit, si nous savions que Blue Origin avait du mal à accepter sa défaite, rappelons qu’une autre société concourrait également pour ce contrat : Dynectics. Or, ULA faisait partie de l’équipe Dynetics et fournissait des services de lancement avec sa nouvelle fusée Vulcan. Si Blue Origin n’hésite pas à critiquer ouvertement la décision de la NASA comme son concurrent SpaceX, il semblerait ainsi que Dynetics ait également fait du lobbying, mais en coulisses par le biais de ULA.

ULA continue donc de faire pression sur le gouvernement américain pour tenter de déstabiliser SpaceX, sous prétexte que la société a remporté plusieurs contrats gouvernementaux de manière injustifiée. Or, si SpaceX remporte autant de contrats, c’est en réalité parce que la société propose des tarifs plus attractifs pour des services plus rapides et efficaces. Plutôt que de prendre leurs responsabilités et de se mettre au travail pour trouver un moyen de rivaliser, les responsables de ULA, visiblement dans le déni, privilégient donc une posture de dénonciation et de repli.

En général, c’est le début de la fin.