SpaceShip two : les aérofreins à l’origine du crash

Crédits : Capture vidéo

Après la désintégration en vol de l’avion spatial de Virgin Galactic, une nouvelle piste s’ouvre pour déterminer les causes de l’accident, le système de freinage qui aurait été activé trop tôt.

Une explosion du moteur hybride, qui propulse le vaisseau durant sa phase d’ascension avait d’abord été suspectée. Les moteurs fusée fonctionnent, tout comme les réacteurs des avions ou les moteurs à explosion en brulant du combustible. Pour les avions ou les voitures, il s’agit d’hydrocarbures, brulés grâce à l’oxygène de l’air. Les moteurs-fusée embarquent quand à eux leur propre oxydant, ce qui leur permet de fonctionner dans le vide spatial. L’oxydant et le combustible peuvent être soit à l’état solide, soit à l’état liquide. La plupart des fusées utilisent un oxydant et un combustible liquides. Cette formule offre de bonnes performances et un excellent contrôle des moteurs, mais tend à être plus chère que l’autre alternative couramment employée, à savoir l’oxydant et le combustible tous les deux solides. Les boosters attachés aux flancs d’Ariane 5 ou de la navette spatiale fonctionnent sur ce principe. S’ils sont moins chers, il est impossible de les arrêter ou d’ajuster la poussée après leur allumage, et ils sont aussi moins performants que les moteurs liquide-liquide.

L’alternative utilisée par Virgin Galactic est un moteur hybride, avec un combustible solide et un oxydant gazeux. La poussée peut être ajustée en contrôlant le flux d’oxydant dans le moteur, et il est possible de le couper complètement en cas d’urgence, ce qui est un plus appréciable pour la sécurité. Cette vidéo montre le fonctionnement de ces moteurs, avec un modèle de démonstration qui utilise de l’oxygène pur comme oxydant, et de l’acrylique comme combustible, le moteur conçu par Virgine Galactic quant à lui utilisait du protoxyde d’azote comme oxydant, et polybutadiène hydroxytéléchélique, ou PBHT comme combustible jusqu’en mai 2014, puis un composé à base de polyamide depuis. Ce moteur a déjà été à l’origine d’un accident mortel : en 2007, il avait explosé lors d’un test au sol – tuant trois employés, et en blessant trois autres – et a causé de nombreux problèmes et retards. Il devait être lourdement modifié pour des raisons de sûreté et a été le premier suspect suite à l’accident du 31 octobre.

Le responsable de la désintégration en vol de l’appareil est en fait le système de freinage, qui semble avoir été activé trop tôt. SpaceShip Two utilise un système original pour effectuer sa rentrée atmosphérique, en ralentissant très haut dans l’atmosphère grâce à ses ailes, capables de basculer pour placer l’avion spatial dans une configuration aérodynamique très défavorable, ce qui lui donne une trainée très élevée. Il effectue cette manœuvre dans les couches hautes de l’atmosphère, où la densité de l’air très faible n’entraine que peu de stress sur la structure, et permet une décélération progressive, avec un retour dans la configuration normale vers 24 kilomètres d’altitude.

Pendant le test du 21 octobre, ce dispositif s’est déployé dans les couches bien plus basses de l’atmosphère, à moins 20 kilomètres d’altitude. L’avion spatial venait juste d’être largué de l’avion porteur, qui l’avait amené à une altitude de 14 kilomètres. La désintégration s’est produite une dizaine de secondes après le largage, quand l’appareil voyageait à plus de Mach 1, propulsé par son moteur. La configuration de freinage n’est pas adaptée au vol propulsé, ni à de telles vitesses aussi basses dans l’atmosphère, et SpaceShip Two s’est désintégré, incapable de résister aux contraintes aérodynamiques.

On ne sait pas encore pourquoi l’appareil a été placé dans la configuration de freinage aussi tôt dans le vol, et c’est un des mystères que l’enquête en cours vise à élucider. Le copilote Michael Alsbury est mort durant l’accident, et Peter Siebold, qui a réussi à sauter en parachute après la désintégration est actuellement hospitalisé avec des blessures sévères.

Source : The Guardian – Virgin Galactic

– Illustration : Virgin Galactic