Au Bhoutan, dans l’Himalaya oriental, les fermiers et propriétaires d’animaux ont tendance à ne pas aimer vivre trop près des grands prédateurs. Pourtant, une nouvelle étude nous montre que la présence de tigres (Panthera tigris) à proximité profite réellement aux communautés agricoles. Comment est-ce possible ?
Selon une récente étude publiée dans la revue Biological Conservation, en vivant dans les habitats les plus profonds et les plus vierges qu’ils puissent trouver, les tigres poussent deux autres prédateurs – les léopards (Panthera pardus) et les dholes (Cuon alpinus), des chiens sauvages d’Asie – à la limite de ces milieux naturels. Ceci a pour effet de les rapprocher inévitablement des villages humains et des zones agricoles. Cependant cela ne met pas les cultures ou le bétail en danger. Les léopards et les dholes finissent par s’attaquer aux petits herbivores tels que les cochons sauvages, qui autrement mangeraient les récoltes des paysans.
Les animaux domestiques semblent également concernés, mais d’une manière différente. Ceux-ci ont tendance à se déplacer relativement sans surveillance et à souvent pâturer dans les forêts entourant les villages. Les tigres se nourrissent normalement de ces animaux, mais il n’en reste pas beaucoup dans la région. Les léopards et les dholes auraient alors dû se charger de ces proies, mais ils ont été chassés des forêts vers les terres cultivées – où il y a moins de bétail à manger. En conséquence, les pertes totales de bétail diminuent lorsque les tigres sont dans les parages. L’étude recommande alors de promouvoir la présence du tigre pour les services écologiques qu’il fournit.
Les chercheurs ont par ailleurs calculé dans quelle mesure la présence d’un tigre pouvait réduire les dommages causés aux cultures par les petits herbivores. Selon l’étude, cela reviendrait à mettre 450 dollars de plus par an dans les poches de chaque famille. Les pertes de bétail seraient également réduites d’une moyenne de 2,4 animaux par ferme, soit l’équivalent d’une économie de 1 120 dollars par an. Si l’on considère que le revenu par habitant du Bhoutan est d’environ 2 200 dollars, c’est une aubaine économique potentielle -, et tout cela grâce aux tigres.
Le tigre est également gagnant. Avec environ seulement 3 800 de spécimens sauvages dans le monde, la réduction du nombre de tigres tués en représailles pour des pertes de bétail réelles ou perçues est d’une importance cruciale. L’étude pourrait donc inciter à utiliser moins de collets autour des cultures. Si ceux-ci sont normalement destinés aux petits herbivores, des tigres se sont bien souvent avoir. Par ailleurs, l’expérience pourrait être reproduite avec d’autres espèces telles que les lions et les guépards en Afrique, ou encore les loups et les coyotes aux États-Unis. Ne sous-estimons pas le rôle écologique des prédateurs sauvages.
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