Une souris extraordinaire créée à partir d’un gène plus ancien que la vie animale elle-même

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Crédits : unoL/istock

Au cours d’une expérience révolutionnaire, des chercheurs ont réussi à créer une souris en utilisant un gène qui provient d’organismes unicellulaires, des formes de vie antérieures à l’apparition des animaux. Cette avancée pourrait changer notre compréhension de l’évolution des cellules souches et offrir de nouvelles perspectives en médecine régénérative. 

Le rôle des choanoflagellés dans l’évolution des cellules souches

Pendant des siècles, les scientifiques ont pensé que certaines caractéristiques, comme les cellules souches pluripotentes (celles capables de se transformer en n’importe quel type de cellule), étaient uniques aux animaux. Cependant, des recherches récentes ont mis en lumière un aspect inattendu de l’évolution : les choanoflagellés, des micro-organismes unicellulaires considérés comme les ancêtres les plus proches des animaux multicellulaires, possèdent également des gènes appelés Sox et POU, normalement associés à la formation des cellules souches chez les animaux.

La découverte que ces gènes sont présents dans des organismes aussi simples que les choanoflagellés suggère que des mécanismes cellulaires fondamentaux ont existé bien avant l’apparition des animaux multicellulaires. Cette révélation modifie notre compréhension de l’évolution des cellules souches et ouvre la porte à de nouvelles hypothèses sur les origines de la pluripotence, un phénomène clé dans le développement des organismes complexes.

Des gènes anciens pour réinventer la biologie moderne

Pour explorer plus en profondeur le rôle de ces gènes dans le processus de pluripotence, les chercheurs ont décidé de mener une expérience audacieuse. En réintroduisant les gènes Sox des choanoflagellés dans des cellules de souris, l’équipe a pu remplacer les gènes Sox2 existants, essentiels à la création de cellules souches chez les mammifères. Cette reprogrammation a permis de créer des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) à partir de cellules de souris.

En injectant ces cellules souches dans un embryon de souris en développement, les chercheurs ont alors produit une chimère, un animal qui présente des cellules génétiquement distinctes. Autrement dit, les chercheurs ont créé une souris vivante et fonctionnelle qui présente des caractéristiques génétiques provenant des deux sources. Certaines cellules de son corps étaient issues des gènes choanoflagellés, tandis que d’autres étaient typiques de la souris. Cette chimère a montré des traits visibles, comme des taches de fourrure et des yeux sombres qui prouvent que les gènes anciens avaient influencé le développement de l’animal. Cette expérience impressionne par la simplicité de l’origine des gènes utilisés qui proviennent d’organismes unicellulaires datant de centaines de millions d’années.

Ainsi, l’expérience n’a pas seulement servi à valider la présence de ces gènes dans les choanoflagellés; elle a également permis d’observer l’impact de ces gènes ancestraux dans un organisme multicellulaire comme la souris. Ce faisant, les chercheurs ont mis en lumière la continuité fonctionnelle de ces mécanismes au fil de l’évolution et démontré que des gènes ancestraux, présents dans des formes de vie aussi simples que les choanoflagellés, pouvaient influencer des processus cellulaires complexes dans des organismes beaucoup plus évolués.

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La souris de gauche, aux yeux foncés et aux taches de fourrure noire, est le résultat de cellules souches dérivées d’un gène ancien. Crédits : Gao Ya et Alvin Kin Shing Lee

Des implications profondes pour la médecine

Cette découverte, dont les détails sont publiés dans Nature Communications, ouvre la voie à des avancées significatives dans le domaine de la médecine régénérative. Les cellules souches pluripotentes, capables de se transformer en tout type de cellule du corps, sont en effet essentielles dans le traitement de diverses affections, telles que les maladies neurodégénératives, les blessures tissulaires et la régénération d’organes. Comprendre les racines évolutives des mécanismes qui régissent cette pluripotence pourrait révolutionner la manière dont ces cellules sont manipulées et rendre le développement de nouvelles thérapies possible.

Les chercheurs estiment que cette étude pourrait notamment inspirer des approches inédites pour améliorer les techniques de reprogrammation cellulaire. En s’appuyant sur des gènes ancestraux présents dans des organismes unicellulaires comme les choanoflagellés, il devient envisageable de concevoir des méthodes plus efficaces pour induire la pluripotence et favoriser la régénération des tissus. À terme, ces découvertes pourraient transformer des traitements expérimentaux en solutions accessibles, ce qui ouvrirait de nouvelles perspectives pour la réparation tissulaire, la création d’organes artificiels et le traitement de maladies graves.