fusion nucléaire
Crédits : Peter Hansen/istock

Le soleil artificiel chinois bat son record de fusion nucléaire

La quête d’une énergie propre, quasi illimitée et respectueuse de l’environnement a franchi une nouvelle étape avec un exploit scientifique impressionnant : le réacteur chinois EAST (Experimental Advanced Superconducting Tokamak) a en effet établi un nouveau record mondial en maintenant un plasma ultra-chaud pendant 1 066 secondes, soit près de dix-huit minutes. Réalisée grâce à des améliorations techniques significatives, cette prouesse place la Chine au premier plan des recherches sur la fusion nucléaire, souvent surnommée le Saint Graal de l’énergie propre. Mais que représente cet exploit et pourquoi est-il si important ?

Qu’est-ce que la fusion nucléaire ?

La fusion nucléaire est un processus qui se produit dans le cœur des étoiles, y compris notre Soleil. Il consiste à fusionner deux atomes légers, comme ceux de l’hydrogène, pour former un atome plus lourd, comme l’hélium. Lors de cette fusion, une partie de la masse des atomes initiaux est convertie en une énorme quantité d’énergie libérée sous forme de lumière et de chaleur.

Ce phénomène est régi par l’équation d’Einstein E=mc² qui stipule que la masse (m) d’un objet peut être convertie en énergie (E) et inversement. Dans le cas de la fusion nucléaire, lorsque deux atomes légers fusionnent pour en former un plus lourd, la masse de l’atome formé est légèrement plus faible que la somme des masses des atomes d’origine. Cette petite perte de masse est alors transformée en une grande quantité d’énergie, sous forme de chaleur et de lumière.

La raison pour laquelle cette petite perte de masse se transforme en une grande quantité d’énergie réside dans le fait que selon l’équation d’Einstein, la conversion de la masse en énergie dépend du carré de la vitesse de la lumière (c²) qui est un nombre extrêmement grand (environ 300 000 kilomètres par seconde). Cela signifie qu’une petite quantité de masse donne une énorme quantité d’énergie lorsqu’elle est multipliée par un nombre aussi grand que c².

Un défi colossal

La fusion nucléaire est donc un processus naturel qui génère une énergie colossale en combinant de petits atomes pour en créer de plus lourds. Si nous réussissons à reproduire ce phénomène de manière contrôlée sur Terre, cela pourrait offrir une source d’énergie propre et quasi inépuisable, car les matières premières nécessaires (comme l’hydrogène) sont abondantes et non polluantes.

Cependant, reproduire les conditions nécessaires à la fusion nucléaire sur Terre représente un défi considérable. Dans le soleil, la gravité extrême permet de maintenir une pression suffisamment élevée pour que les noyaux d’hydrogène fusionnent. Sur Terre, nous devons en revanche recréer cette pression par des moyens artificiels. Cela nécessite d’atteindre des températures souvent supérieures à 100 millions de degrés Celsius nécessaires pour surmonter la répulsion électrostatique entre les noyaux d’atomes chargés positivement.

Un autre défi majeur réside dans la gestion du plasma, un état de la matière constitué d’ions et d’électrons libres. À ces températures, la matière prend la forme de plasma, mais ce dernier est difficile à contrôler, car il peut se détacher des parois du réacteur et interagir de manière imprévisible avec son environnement. Afin d’éviter que ce plasma ne se refroidisse ou ne touche les parois du réacteur, il faut donc le confiner dans un espace restreint. Cela nécessite des champs magnétiques puissants. Pour ce faire, deux approches sont privilégiées : la fusion par confinement magnétique, comme dans les réacteurs à tokamak, et la fusion par laser, qui utilise des impulsions de haute énergie pour comprimer le plasma.

Enfin, les matériaux utilisés pour construire les réacteurs doivent également supporter des conditions extrêmes de chaleur et de radiation, ce qui ajoute une complexité supplémentaire.

Le record du réacteur EAST

Malgré ces défis, les chercheurs continuent de faire avancer la science de la fusion, dans l’espoir qu’un jour, cette source d’énergie propre et quasi inépuisable devienne une réalité sur Terre. Situé à Hefei en Chine, le réacteur EAST a justement été conçu pour repousser les limites de la recherche en fusion nucléaire. En janvier 2025, il a réalisé une performance spectaculaire : maintenir une boucle stable et hautement confinée de plasma pendant 1 066 secondes, soit environ dix-huit minutes, battant largement son précédent record de 403 secondes établi quelques années plus tôt.

Ce succès résulte de plusieurs améliorations techniques apportées au réacteur. Les ingénieurs ont notamment doublé la puissance de son système de chauffage afin d’atteindre des températures extrêmement élevées tout en assurant la stabilité du plasma.

fusion nucléaire Chine Soleil
Le réacteur à fusion nucléaire de la Chine, véritable « Soleil artificiel ». Crédit : ÉQUIPE HIPS / EAST

Encore du chemin

Le record établi par EAST est une étape importante, mais de nombreux défis restent à surmonter avant que la fusion nucléaire ne devienne une source d’énergie viable. Le principal obstacle réside dans le fait que bien que des réacteurs comme EAST ou ITER puissent produire des plasmas stables, ils consomment actuellement beaucoup plus d’énergie qu’ils n’en génèrent.

Actuellement en construction dans le sud de la France, le projet ITER joue également un rôle crucial dans cette quête. Regroupant des dizaines de pays, dont la Chine, les États-Unis et le Japon, ce réacteur expérimental vise à démontrer qu’une fusion nucléaire durable est possible. Avec un démarrage prévu pour 2039, ITER ne produira pas immédiatement d’électricité, mais les données qu’il collectera seront essentielles pour concevoir des centrales de fusion opérationnelles.

Malgré tout, alors que le monde cherche des solutions pour répondre à la demande croissante en énergie tout en réduisant les émissions de carbone, des percées comme celle d’EAST offrent une lueur d’espoir. Le chemin vers une énergie de fusion accessible à tous est encore long, mais chaque pas en avant, aussi modeste soit-il, rapproche l’humanité d’un avenir plus propre et plus durable.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.