Pathfinder Sojourner
L'atterrisseur Pathfinder a capturé ce panorama de son rover et de leur nouvelle maison sur une période de trois sols, ou jours martiens. Crédits : NASA/JPL-Caltech

Sojourner : le rover qui a ouvert la voie à près de 30 années d’exploration martienne

Si vous n’êtes pas très vieux, les mots « rovers martiens » vous font instantanément penser à Perseverance ou Curiosity. Ceux qui sont un peu plus âgés retiendront également les noms de leurs prédécesseurs : Spirit et Opportunity. Cependant, aucun de ces véhicules n’aurait été construit sans le succès incroyable d’un rover beaucoup plus petit et beaucoup moins sophistiqué nommé Sojourner.

Un atterrissage plein de rebondissements

Lancé le 4 décembre 1996 à bord d’une fusée Delta II de United Launch Alliance, Sojourner intégrait la mission Mars Pathfinder. Ce programme à petit budget visait à envoyer un atterrisseur et un petit rover d’essai sur Mars pour voir s’il était possible de le faire fonctionner. Ce véhicule n’était pas plus grand qu’un four à micro-ondes. Cependant, malgré sa petite taille, le Sojourner a su relever de grands défis.

Le premier fut sans doute l’atterrissage. Après un voyage de près de sept mois à travers l’espace, l’atterrisseur et son rover sont entrés dans l’atmosphère de Mars le 4 juillet 1997, protégés par des boucliers thermiques. Pour freiner leur descente, l’équipe de mission avait opté pour un grand parachute. À environ 1,6 km au-dessus de la surface de Mars, il fut ensuite laissé de côté au profit d’airbags, le but étant d’amortir l’impact final. Ces gros sacs remplis d’air ont amené le vaisseau à rebondir sur la surface à plusieurs reprises jusqu’à ce que l’atterrisseur se pose.

Une fois immobilisé, il s’est ouvert comme des pétales de fleur pour libérer Sojourner qui a ensuite rejoint la surface au moyen d’une passerelle. Il est alors devenu le premier rover à se déplacer sur Mars.

Pathfinder Sojourner
Sojourner fait ses « premiers pas » sur Mars. Crédits : NASA/JPL

De vrais résultats scientifiques

L’atterrisseur s’était installé dans une zone appelée Ares Vallis. Il s’agit des restes asséchés d’un ancien canal creusé dans la surface martienne par de violentes inondations il y a des milliards d’années.

Pour opérer, ce petit véhicule était équipé d’une variété d’instruments conçus pour effectuer des mesures limitées, mais précieuses. Le spectromètre Alpha Proton X-Ray (APXS) était son principal outil. Ce dernier comprenait trois spectromètres différents capables d’analyser les roches et la poussière. La tête du capteur, montée sur un petit bras robotique, était pressée contre les objets ciblés, comme un chien pressant son nez contre le sol pour mieux sentir les odeurs à l’intérieur.

Deux caméras monochromes Kodak KAI-0371 orientées vers l’avant ont également agi comme les yeux du rover, étudiant la topographie locale et enregistrant des cartes de la surface en noir et blanc. Un capteur KAI-037M placé à l’arrière a quant à lui permis de capturer plusieurs images en couleur. Ces dernières nous ont révélé un paysage brun orangé parsemé de rochers, dont certains constituent des indices témoignant de ces anciennes inondations.

Pathfinder Sojourner
La taille de Sojourner comparée à celles de Curiosity et Perseverance. Crédits : NASA/JPL-Caltech

Sojourner a « cassé Internet »

Les prises de vue de Sojourner étaient petites et d’une résolution extrêmement faible par rapport aux images renvoyées par des rovers plus modernes. Elles ont toutefois fait sensation à l’époque. En outre, Pathfinder était l’une des premières véritables missions spatiales de l’ère Internet. En un jour, les sites de la NASA et du JPL ont ainsi établi un record avec 47 millions de visites, ce qui est toujours très impressionnant selon les normes actuelles. À titre de comparaison, cela représentait plus du double des hits enregistrés l’année précédente durant n’importe quel jour des Jeux olympiques de 1996 à Atlanta. D’ailleurs, la demande était telle que les serveurs n’étaient pas encore prêts à faire face.

Finalement, la NASA et le JPL ont mis en place une vingtaine de sites « soeurs » pour tenter de répondre à la demande. Au total, les sites Web liés à cette mission ont enregistré 565 millions de visites dans le monde en un peu plus d’un mois.

Pathfinder Sojourner
Cette image montre les Twin Peaks qui sont des collines de taille modeste au sud-ouest du site d’atterrissage de Mars Pathfinder. Crédits : NASA/JPL

Une empreinte indélébile

Étant donné que rien dans cette mission n’avait jamais été tenté auparavant, beaucoup pensaient qu’elle ne pourrait même pas tenir sa durée initiale qui était de sept jours martiens (ou sols). Finalement, Sojourner a dépassé toutes les attentes en durant plus de dix fois plus longtemps que prévu et en parcourant une distance totale de près 100 m. Notez qu’à aucun moment il ne s’est trop éloigné de l’atterrisseur Pathfinder qui servait de station-relais pour les signaux provenant et envoyés vers la Terre. L’atterrisseur servait également de « station météo » qui prenait des mesures sur le vent, la température et la pression atmosphérique à la surface.

Il est difficile aujourd’hui de déterminer le dernier lieu de repos de Sojourner. Bien que le rover ait été vu pour la dernière fois dans des images Pathfinder situées à environ treize mètres, nous savons qu’il a continué à se déplacer par la suite. En décembre 2006, la caméra HiRISE du Mars Reconnaissance Orbiter a bien pris des images haute résolution du site d’atterrissage, révélant un petit groupe de pixels aux côtés de l’atterrisseur. Cependant, il pourrait tout aussi bien s’agir de Sojourner que d’un simple tas de rochers. Il est aussi possible que le rover ait été emporté par une rafale de vent. En réalité, nous ne le saurons jamais avec certitude à moins de nous rendre directement sur place, ce qui n’est absolument pas prévu pour le moment.

Ainsi, en résumé, si Sojourner a malheureusement largement disparu de la mémoire collective, ce rover aura laissé une empreinte indélébile pour la NASA et ceux qui y travaillent, ouvrant la voie à tous les rovers qui ont suivi.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.