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Fusion nucléaire : une société fait un pari qui pourrait lui coûter cher

fusion nucléaire Hélion Microsoft
Crédits : Dragon Claws/istock

La startup d’énergie de fusion Helion, basée à Washington, vient de signer le premier accord d’alimentation en énergie de fusion au monde. Elle promet de fournir à Microsoft au moins cinquante mégawatts d’énergie de fusion propre d’ici 2028, sous peine de payer des pénalités financières.

Qu’est-ce que la fusion nucléaire ?

L’énergie de fusion nucléaire résulte de la fusion des noyaux atomiques légers pour former des noyaux plus lourds. Elle ne doit donc pas être confondue avec la fission nucléaire qui consiste à briser des noyaux atomiques.

La fusion nucléaire est basée sur le principe de la conversion de masse en énergie, tel que décrit par l’équation célèbre d’Einstein : E = mc². Lorsque les noyaux légers, comme ceux de l’hydrogène, fusionnent pour former des noyaux plus lourds, une petite quantité de masse est convertie en une énorme quantité d’énergie selon cette équation.

Cette réaction de fusion se produit naturellement dans des conditions extrêmement chaudes et sous des pressions intenses ressenties dans le cœur des étoiles, y compris notre Soleil. L’idée serait donc de pouvoir imiter ce que font les étoiles, mais à des échelles plus petites sur Terre. Les deux isotopes d’hydrogène les plus couramment utilisés dans les réactions de fusion nucléaire sont le deutérium (un proton et un neutron dans son noyau) et le tritium (un proton et deux neutrons). Lorsqu’ils fusionnent, ces isotopes forment de l’hélium et libèrent une grande quantité d’énergie.

Cette approche aurait de nombreux avantages potentiels. Elle est en effet considérée comme une source d’énergie abondante, propre et durable, car elle n’émet pas de gaz à effet de serre et ne produit pas de déchets radioactifs à longue durée de vie. Par ailleurs, les ressources nécessaires pour la fusion nucléaire, comme le deutérium, sont relativement abondantes sur Terre.

fusion nucléaire Hélion Microsoft
Crédits : sakkmesterke/istock

Plusieurs projets en cours

La réalisation de la fusion nucléaire contrôlée représente l’un des défis techniques les plus complexes jamais entrepris par l’humanité. Les températures extrêmement élevées requises pour la fusion (des millions de degrés Celsius) nécessitent en effet des méthodes de confinement efficaces pour maintenir le plasma (un état chaud et ionisé de la matière) stable pendant une durée prolongée.

Différentes approches, telles que le confinement magnétique par tokamak ou le confinement inertiel par laser, sont actuellement étudiées dans différents projets à travers le monde.

L’un des plus importants est le projet ITER, actuellement en construction en France. Ce dernier vise à démontrer la viabilité de la fusion nucléaire comme source d’énergie d’ici 2040. Cependant, plusieurs jeunes entreprises explorent de nouvelles technologies permettant d’atteindre une puissance de fusion commerciale pratique et à faible coût dans des délais beaucoup plus courts.

L’une de ces prétendantes est Commonwealth Fusion Systems qui promet la production d’une énergie nette (plus d’énergie générée que d’énergie engagée) d’ici 2025. TAE Technologies en est une autre. Cette start-up estime que son générateur Da Vinci pourrait fournir de l’électricité dès le début des années 2030. Autre exemple avec Zap Energy qui espère de son côté que son réacteur FuZE-Q pourra créer plus d’énergie qu’il n’en utilise d’ici 2026.

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Vue aérienne d’ITER le 30 août 2021. Crédits : aerovista luchtfotografie/istock

Une première audacieuse

Cependant, aucune des sociétés émergentes précédemment citées n’a encore signé de contrat d’alimentation électrique, et pour cause : signer un tel contrat serait franchement audacieux compte tenu du fait que cette source d’énergie n’est pas encore pleinement maîtrisée. Pourtant, la startup Helion, basée à Washington, vient de le faire avec Microsoft.

Selon un communiqué de presse de l’entreprise, la centrale devrait être en ligne d’ici 2028 et visera une production d’électricité de 50 mégawatts ou plus après une période de montée en puissance d’un an.

« Cette collaboration représente une étape importante pour Helion et l’industrie de la fusion dans son ensemble », a déclaré le PDG David Kirtley. Il s’est également dit reconnaissant du soutien d’une entreprise visionnaire comme Microsoft et confiant dans la capacité de son entreprise à livrer la première centrale électrique à fusion au monde.

« Nous sommes convaincus que l’énergie de fusion peut être une technologie importante pour aider la transition mondiale vers une énergie propre« , a de son côté déclaré Brad Smith, vice-président et président de Microsoft.

Helion semble également avoir pris un certain risque dans la mesure où ce contrat comporte des sanctions financières en cas de non-respect des engagements. Toutefois, nous ne savons pas précisément quelles sont ces fameuses « sanctions financières », ni quel risque Microsoft prend en signant un tel accord. Il est donc encore un peu tôt pour faire sauter les bouchons de liège. Cependant, il s’agit définitivement d’un pas dans la bonne direction.

En attendant, Helion s’attend à « démontrer sa capacité à produire de l’électricité » avec son prototype Polaris de septième génération en 2024. Celui-ci n’utilise pas de turbines à vapeur comme beaucoup d’autres conceptions, mais capture plutôt l’énergie directement à partir de l’interaction entre les champs magnétiques de la chambre de fusion et le plasma lui-même lorsqu’il se dilate.

Brice Louvet, expert espace et sciences

Rédigé par Brice Louvet, expert espace et sciences

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.