Sixième extinction : la nature aura besoin de 5 millions d’années pour s’en remettre

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Le Smilodon, une espèce de mammifère carnivore éteinte il y a environ 10 000 ans. Crédits : Wikipedia

Les mammifères sauvages déclinent si rapidement que l’évolution ne peut suivre le rythme pour compenser. Si l’on continue à ce même rythme, quelques-unes des espèces de mammifères les plus emblématiques vont disparaître au cours des cinq prochaines décennies. La nature, elle, aura besoin de 3 à 5 millions d’années pour s’en remettre.

Cinq extinctions de masse ont été enregistrées au cours des dernières 450 millions d’années, toutes majoritairement entraînées par des catastrophes naturelles et des bouleversements climatiques. La nature – du moins jusqu’à présent – s’en remet toujours. Si la vie semble coriace, elle a en revanche besoin de temps pour évoluer. Mais alors que la sixième extinction des espèces est en train de s’installer, à mettre au crédit de l’Homme, la nature pourrait avoir besoin d’encore plus de temps que par le passé. Selon une équipe de chercheurs de l’Université d’Aarhus (Danemark) et de l’Université de Göteborg (Suède), et si les moyens sont mis en œuvre pour, il faudra aux mammifères 5 à 7 millions d’années pour se rétablir à des nivaux similaires à ceux observés avant l’émergence de l’Homme moderne. Les détails de l’étude sont rapportés dans la revue PNAS.

Les chercheurs ont ici combiné les données disponibles sur les mammifères actuels avec celles concernant les espèces éteintes après la propagation d’Homo Sapiens dans le monde. Il en ressort que du point de vue de l’évolution, toutes les espèces n’ont pas la même importance. En disparaissant, certaines espèces ont emporté avec elles des millions d’années d’histoire évolutive. « Les grands mammifères – la mégafaune – tels que les paresseux géants et les tigres à dents de sabre, qui se sont éteints il y a environ 10 000 ans, étaient extrêmement évolutifs. Comme ils avaient peu de parents proches, leurs extinctions ont entraîné la coupe de branches entières de l’arbre évolutif de la Terre, explique le paléontologue Matt Davis, de l’Université d’Aarhus et principal auteur de l’étude. Il existe des centaines d’espèces de musaraignes, ce qui leur permet de résister à quelques extinctions. Il n’y avait en revanche que quatre espèces de tigres à dents de sabre, et elles ont toutes disparu ».

Mais si régénérer des millions d’années d’histoire évolutive prend du temps, le déséquilibre s’installe d’autant plus lorsque les disparitions s’enchaînent à un rythme toujours plus effréné. La nature se rétablit à un rythme croissant. Les extinctions, si elles sont provoquées, peuvent être accélérées. Ainsi, si vous dépensez plus que ce que vous gagnez, vous vous retrouvez très vite à manquer d’argent. Ici, nous manquons de mammifères, et ceux-ci auront du mal à s’en remettre. En s’appuyant sur des simulations évolutives, et en prenant en compte un scénario positif dans lequel les humains ont cessé de détruire les espèces animales, il faudra 3 à 5 millions d’années aux mammifères pour se diversifier suffisamment afin de régénérer les branches de l’arbre évolutif qu’ils devraient perdre au cours des 50 prochaines années. Et il faudra plus de 5 millions d’années à la nature pour régénérer ce qui a été perdu au cours de ces 10 000 dernières années.

« Même si nous vivions autrefois dans un monde de géants, nous vivons maintenant dans un monde de plus en plus pauvre en mammifères sauvages. Les quelques géants restants, tels que les rhinocéros et les éléphants, sont menacés d’être éliminés très rapidement », poursuit Jens-Christian Svenning, de l’Université d’Aarhus et co-auteur de l’étude. Rappelons que les mammifères sauvages ne représentent aujourd’hui que 2 % de tous les mammifères dans le monde. Les 98 % restants sont élevés pour nourrir les Hommes.

En hiérarchisant les espèces les « plus importantes » sur le plan évolutif, cette étude pourrait néanmoins permettre de prioriser les efforts de conservation. Sauver des espèces sur le point de s’éteindre, c’est du temps de gagné pour la nature.

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