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Voiture et chaleur : le cocktail qui vous expose à un risque de cancer

En 2021, des chercheurs avaient pour la toute première fois établi un lien direct entre les particules fines de carbone suie liées au trafic automobile avec les risques de cancer. Toutefois, il semblerait qu’il ne s’agisse pas du seul élément cancérigène auquel les automobilistes et leurs passagers s’exposent sur la route. En effet, une nouvelle étude affirme qu’à chaque fois qu’un conducteur prend le volant, tous les passagers présents dans l’habitacle inhalent des produits chimiques toxiques. Aussi mauvais pour la santé que l’odeur de voiture neuve que beaucoup apprécient pourtant, chaque trajet augmente ainsi leur risque de développer un cancer. Voici les conclusions de ces travaux scientifiques et des conseils pour prendre la route sans danger.

Des composants chimiques nocifs dans la voiture

Pour cette étude publiée le 7 mai 2024 dans Environmental Science & Technology, les chercheurs ont étudié 101 voitures électriques, hybrides ou à combustion traditionnelles et américaines datant de 2015 à 2022. Ils ont alors remarqué que 99 % de ces véhicules contiennent du TCIPP, un composé retardateur de flamme déjà considéré comme un cancérigène potentiel aux États-Unis. Ils ont également retrouvé d’autres traces de composants ignifuges également considérés comme cancérigènes. Ces travaux démontrent également que leurs concentrations étaient plus élevées en été qu’en hiver dans l’habitacle, les températures élevées favorisant potentiellement les émissions chimiques en provenance du plastique et de la mousse des sièges dans laquelle on retrouve ces produits ignifuges, ajoutés dans le rembourrage depuis une loi datant des années 1970.

« Si on prend en compte le fait que les conducteurs passent en moyenne une heure dans leur voiture, il s’agit d’un problème de santé publique important », estime Rebecca Hoehn, l’un des auteurs de l’étude et scientifique spécialisée en toxicologie à l’Université de Duke qui signe l’étude. « Notre étude montre que les voitures sont une source importante de notre exposition à ces produits chimiques et que ceux qui vivent dans des climats plus chauds, qui ont des trajets plus longs ou qui conduisent dans le cadre de leur travail auront des expositions plus élevées. Les enfants sont également particulièrement vulnérables, car ils se développent encore et respirent plus d’air livre pour livre que les adultes. », ajoute la scientifique.

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Les produits chimiques mis en évidence par l’étude : pas uniquement cancérigènes

Dans leurs travaux, les chercheurs mettent en évidence plusieurs effets délétères liés à l’exposition aux produits ignifuges utilisés dans les voitures. « La plupart des retardateurs de flamme sont associés au cancer, aux lésions cérébrales, aux problèmes de développement et aux problèmes de reproduction », conclut en effet l’étude.

Dans le détail, les organophosphates (dont le TCIPP cancérigène ici fortement mis en cause) auraient ainsi des effets neurotoxiques notables (problèmes de mémoire, troubles cognitifs et de neurodéveloppement, etc.), perturberaient le système endocrinien (avec à la clé des déséquilibres hormonaux et des effets potentiels sur la santé reproductive), mais induiraient aussi des problèmes respiratoires (toux, sifflements et souffle court) ainsi que des irritations cutanées (dermatite, démangeaisons et rougeurs).

Comment s’en protéger lorsque l’on prend la voiture ?

Les effets sur la santé des composés ignifuges peuvent dépendre de plusieurs facteurs tels que les niveaux et la durée d’exposition auxquels s’ajoutent d’autres paramètres tels que la sensibilité individuelle de chaque individu ou des propriétés chimiques spécifiques. On peut toutefois dans tous les cas réduire son exposition à ces produits chimiques dans l’espace cloisonné de l’habitacle.

Ici, les experts recommandent plusieurs mesures à commencer par le fait de stationner à l’ombre ou bien protéger son véhicule avec un pare-soleil. Ils estiment par ailleurs qu’il faut limiter l’utilisation de l’option de recyclage de l’air qui fait recirculer ces composés dans l’habitacle. Enfin, si le fait de conduire avec les fenêtres ouvertes pour ventiler son véhicule pendant la conduite vous expose aussi à d’autres particules fines potentiellement dangereuses, rien de vous empêche de bien ouvrir les portières et/ou vitres de votre automobile pour l’aérer avant d’y pénétrer.

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Crédits : Dimarik/iStock

Des pistes pour le futur

Cette étude insiste sur le fait que les composés ignifuges utilisés ici n’apportent aucun bénéfice réel et questionnent des normes datées. Comme l’explique Lydia Jahl qui a participé à l’étude et chercheuse chevronnée du Green Science Policy Institute : « Ce qui rend cela particulièrement inquiétant, c’est que non seulement les retardateurs de flamme sont nocifs, mais que la norme d’inflammabilité qui motive leur utilisation dans les voitures est obsolète et probablement inefficace. En d’autres termes, il existe des risques connus pour la santé pour des avantages potentiellement inexistants en matière de sécurité incendie ». Les scientifiques appellent donc à des recherches plus poussées pour trouver des matériaux plus sûrs et adapter les normes pour l’habitacle des automobiles.

C’est par ailleurs un avis que semblent partager Patrick Morrison, directeur de santé, sécurité et médecine à l’Association internationale des Pompiers : « Les pompiers craignent que ces composants ignifuges puissent contribuer à leurs risques très élevés de cancer. Bourrer les voitures de produits chimiques nocifs n’a qu’un effet préventif limité sur les incendies dans la plupart des cas et au lieu de cela les flammes produisent plus de fumée et sont plus toxiques pour les victimes et plus spécialement pour les premiers intervenants sur les lieux. »

Et comme le conclut Lydia Jahl : « Ce qu’il faudrait en premier lieu serait de réduire la quantité d’ignifuges ajoutés dans les voitures. Aller au travail ne devrait pas s’accompagner d’un risque de cancer et les enfants ne devraient pas respirer des produits chimiques qui nuisent à leur cerveau sur la route pour l’école. »

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.