Le lasso : le « nouveau » mode de déplacement des serpents de l’île de Guam

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Crédits : CSU

Des biologistes ont récemment observé un nouveau mode de déplacement chez les serpents bruns arboricoles de l’île de Guam. Ces derniers utilisent la technique du « lasso » pour grimper aux arbres les plus larges et chasser les « derniers » oiseaux du territoire.

Protéger les derniers oiseaux de l’île de Guam

Boiga irregularis, aussi appelé « serpent brun arboricole », est une espèce venimeuse retrouvée sur l’île de Guam, assise entre l’Australie et le Japon, où elle a été importée accidentellement par avion il y a environ 70 ans. Depuis, ces serpents ont conduit environ cinq sixièmes des espèces d’oiseaux de l’île à l’extinction locale.

Julie Savidge, de la Colorado State University, travaille depuis plusieurs années à la préservation des étourneaux de Micronésie, l’une des deux seules espèces d’oiseaux qui, jusqu’à présent, ont survécu au Boiga irregularis. Toutefois, leur survie ne tient qu’à un fil et leur perte aurait de sérieuses implications.

«L’étourneau sansonnet remplit une fonction écologique importante en dispersant les fruits et les graines qui peuvent aider à maintenir les forêts de Guam», souligne en effet la chercheuse. Les graines transitent en effet le long du système digestif des oiseaux en résistant aux sucs et sont disséminées intactes dans les déjections de l’animal. Sans oiseaux, la forêt ne peut donc plus se régénérer et la situation inquiète.

Pour aider à les préserver, les chercheurs construisent depuis plusieurs années des nichoirs a priori inaccessibles aux serpents, installés en haut de grands et larges cylindres, dont la surface est extrêmement lisse. Est-ce pour autant suffisant ? Il semblerait que non.

La technique du lasso : efficace mais très énergivore

Julie Savidge et son équipe ont en effet découvert que certains serpents arrivaient tout de même à atteindre leurs cibles malgré les difficultés d’ascension. Des caméras à vision nocturne ont finalement révélé leur technique : tandis que la moitié arrière du serpent forme une boucle autour d’un tronc d’arbre ou d’un poteau, l’avant s’étire vers le haut, à la manière d’un lasso inversé.

La technique a probablement évolué pour les aider à grimper aux arbres, mais les serpents l’utilisent désormais pour escalader des structures artificielles comme des poteaux électriques. Le professeur Julie Savidge et son équipe, de la Colorado State University, décrivent leurs travaux dans la revue Current Biology.

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Crédits : CSU

Notez que jusqu’à présent, les chercheurs n’avaient identifié que quatre modes de locomotion chez les serpents : le  mode « rectiligne », l’ondulation latérale, le sidewinding et l’accordéon – documentées depuis près de cent ans. Ce mouvement du « lasso » vient donc désormais s’ajouter à la liste.

« Comprendre ce que les serpents bruns peuvent et ne peuvent pas escalader a des implications directes pour la conception de barrières visant à réduire la dispersion et certains des effets délétères de cette espèce hautement envahissante », explique Bruce Jayne, co-auteur de l’étude. Ce dernier souligne que ce mode de locomotion est toutefois très énergivore pour ces serpents. « On en a vu beaucoup s’arrêter fréquemment et respirer fortement lors des montées au lasso, certains glissant parfois en arrière ».

Les chercheurs sont désireux d’utiliser leurs nouvelles connaissances pour concevoir de nouveaux obstacles. Cela pourrait non seulement sauver l’étourneau, mais aussi permettre la réintroduction de certaines des espèces d’oiseaux perdues de Guam.