Crédit image : A. Boug Research Square (2025)

Sept guépards retrouvés momifiés dans une grotte saoudienne : comment ont-ils fini là et pourquoi c’est une découverte majeure

Les grottes abritent généralement des araignées, des chauves-souris ou d’étranges créatures aveugles adaptées à l’obscurité permanente. Rarement des guépards. Pourtant, dans les profondeurs du réseau de grottes de Lauga, au nord de l’Arabie saoudite, des chercheurs viennent de faire une découverte sans précédent : sept guépards momifiés naturellement, accompagnés des squelettes de 54 autres individus. Une trouvaille qui bouleverse notre compréhension de ces félins et ouvre des perspectives inattendues pour leur avenir.

Un cimetière félin vieux de plusieurs millénaires

L’exploration du réseau de Lauga a révélé bien plus qu’un simple site archéologique. Les datations effectuées sur les spécimens montrent un étalement temporel remarquable : le squelette le plus ancien remonterait à environ 4 223 ans, tandis que la momie la plus récente n’aurait que 127 ans. Entre ces deux extrêmes, des millénaires d’histoire féline se sont accumulés dans ces galeries souterraines.

Les analyses génétiques apportent un éclairage fascinant sur l’évolution des populations de guépards dans la région. Les deux spécimens les plus anciens présentent une parenté étroite avec le guépard d’Afrique du Nord-Ouest, tandis que d’autres individus se rapprochent génétiquement du guépard d’Asie, cette population aujourd’hui en danger critique d’extinction et confinée à quelques territoires iraniens. Ces deux lignées ont aujourd’hui totalement disparu de la péninsule arabique, où les guépards ont perdu 98% de leur aire de répartition historique.

Une première mondiale dans l’histoire de la paléontologie

La découverte revêt une dimension exceptionnelle : jamais auparavant un grand félin n’avait été retrouvé dans un état de momification naturelle. Les chats domestiques momifiés artificiellement abondent dans les sites archéologiques égyptiens, témoins du culte voué à ces animaux dans l’Antiquité. Mais un félin de grande taille préservé par les seules forces de la nature, c’est une première absolue.

Les conditions régnant dans le réseau de Lauga ont créé un environnement idéal pour cette conservation millénaire. La température constante et l’humidité stable ont agi comme un conservateur naturel, figeant ces prédateurs dans le temps pendant près de 2 000 ans pour les momies les mieux préservées. Aux côtés des félins, des restes de leurs proies ont également été identifiés, offrant un aperçu de l’écosystème de l’époque.

L’année dernière, des chatons à dents de sabre momifiés avaient été exhumés du pergélisol sibérien, suscitant l’émerveillement de la communauté scientifique. Toutefois, ces félins préhistoriques n’appartiennent pas à la lignée des grands félins modernes, ayant divergé bien plus tôt dans l’arbre évolutif de la famille féline.

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Le mystère de leur présence souterraine

Un aspect de cette découverte intrigue particulièrement les chercheurs : que faisaient ces guépards dans ces grottes ? Les guépards contemporains ne manifestent aucun comportement troglodyte. Contrairement aux léopards ou à d’autres grands félins, ils ne recherchent pas les cavités rocheuses pour se reposer ou entreposer leurs prises.

L’hypothèse privilégiée par l’équipe de recherche évoque un piège mortel. Les guépards auraient pu pénétrer dans les grottes par des pentes glissantes ou abruptes, se retrouvant ensuite incapables d’en ressortir. Cette théorie trouve un écho dans l’étude du guépard américain disparu, qui utilisait effectivement les grottes comme tanière et garde-manger. Ce félin préhistorique, morphologiquement similaire aux guépards actuels par convergence évolutive, pourrait suggérer qu’un comportement souterrain existait chez certaines lignées anciennes.

Des pièges photographiques installés dans le réseau confirment que ces grottes demeurent fréquentées par la faune locale, notamment par des loups.

Vers un retour des guépards en Arabie ?

Au-delà de son intérêt paléontologique, cette découverte pourrait avoir des implications concrètes pour la conservation. Les chercheurs estiment que ces restes génétiques et écologiques constituent une mine d’informations précieuses pour évaluer la faisabilité d’un projet de réensauvagement des guépards dans la péninsule arabique.

Comprendre quelles populations habitaient historiquement ces terres, comment elles s’adaptaient au climat aride, quelles proies elles chassaient : autant de données cruciales pour envisager une réintroduction responsable de ces prédateurs emblématiques dans leur ancien territoire.

Cette étude, disponible en prépublication sur Research Square, attend encore son examen par les pairs, étape cruciale de validation scientifique.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.