Pour se reproduire, un parasite pousse les chimpanzés au suicide

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Qui n’a jamais souhaité pouvoir contrôler la volonté d’autres personnes pour servir ses intérêts? Le parasite Toxoplasma gondii le peut naturellement, sans même avoir recours à la télépathie. Pour se reproduire, cet organisme dispose d’une stratégie surprenante : pousser son hôte au suicide.

Dans le monde grouillant, mais pas moins fascinant des parasites, certaines espèces se démarquent par leur stratégie de reproduction, souvent complexe. Mais la palme du parasite le plus « vicieux » revient sans conteste à Toxoplasma gondii, un protozoaire responsable de la maladie de la Toxoplasmose. Cet organisme est capable d’infecter plusieurs espèces, mais ne peut procéder à une reproduction sexuée que chez un félin, son hôte final. Pour cela, il modifie le comportement de son hôte intermédiaire afin que celui-ci finisse ses jours dans les crocs d’un prédateur. L’action « suicidaire » induite par le parasite avait déjà été mise en relief dans une étude en 2000 : les rats infectés par Toxoplasma gondii trouvaient l’odeur de l’urine de chat bien plus attrayante que leurs congénères sains.

Se pose alors la question de l’action de ce parasite chez l’être humain : deviendrions-nous suicidaires, ou développerions-nous une attraction soudaine pour l’urine de chat ? Plusieurs effets ont été observés chez l’être humain, comme un amoindrissement des capacités de concentration ainsi qu’un allongement du temps de réaction. Une équipe de chercheurs du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier a cherché à savoir si ces modifications du comportement pouvaient être un vestige du temps où l’Homme était une proie pour les grands félins. Pour cela ils ont observé l’effet du parasite sur le comportement du chimpanzé, proie potentielle des léopards. Les individus, sains ou parasités, ont été mis en contact avec de l’urine de plusieurs espèces de félins ainsi que de l’urine humaine. Les résultats montrent que « les animaux infectés par Toxoplasma gondii perdent leur aversion de l’urine de léopard ». En revanche, les tests avec l’urine d’autres grands félins ne montrent aucun résultat dénotant une manipulation parasitaire. Aucune réaction vis-à-vis de l’urine humaine non plus.

Les scientifiques expliquent que le comportement des chimpanzés infectés face à l’urine de léopard démontrait un exemple de manipulation parasitaire, comme dans le cas du rat. Ce système permettrait d’augmenter le taux de prédation du chimpanzé, et par conséquent bénéficierait au parasite qui retrouverait plus facilement son hôte final. Le parasite se loge dans le cerveau des singes au niveau de l’amygdale, une structure essentielle pour la réaction de peur et reliée au système olfactif. Le protozoaire perturberait les informations entre cette région et le reste du cerveau, inhibant le processus de méfiance. L’action de Toxoplasma gondii est cependant très ciblée : aucun des animaux parasités n’a été attiré par l’urine d’autres félins que le léopard. Les chercheurs en déduisent que « les modifications de comportement induites par Toxoplasma chez l’humain sont des témoins de notre évolution ».

Par Vincent JOURDAIN

Sources : Passeur de SciencesCNRS Cell