Voici ce qu’il advient de votre corps après la mort

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Non il ne sera pas question d’au-delà ici, mais de rendre compte de ce qu’il advient d’un corps en décomposition juste après la mort cellulaire. Loin d’être « mort », un cadavre pourrissant regorge en fait de vie, bien que peu ragoûtante.

Parlons peu, parlons glauque. De nombreux scientifiques considèrent un cadavre mort comme la pierre angulaire d’un vaste et complexe écosystème, qui émerge peu de temps après la mort, prospérant et évoluant au fur et à mesure de la décomposition. Celle-ci commence plusieurs minutes après la mort avec un processus appelé « autolyse », ou auto-digestion. Peu de temps après que le cœur n’ait cessé de battre, les cellules se retrouvent privées d’oxygène et leur acidité augmente à mesure que les sous-produits toxiques des réactions chimiques commencent à s’accumuler à l’intérieur.

Les enzymes commencent à digérer les membranes cellulaires et se retrouvent « libérées » à mesure que les cellules se décomposent. Cela commence généralement dans le foie, riche en enzymes, et dans le cerveau, qui a une teneur élevée en eau. Finalement, tous les autres tissus et organes commencent à se décomposer de cette façon. Les cellules sanguines endommagées commencent à se répandre, décolorant la peau. La température corporelle commence également à baisser, s’acclimatant à l’environnement, puis vient la raideur. Celle-ci se répand, commençant par les paupières, les mâchoires et les muscles du cou, avant de se propager et de finir avec les membres.

Lorsque nous sommes en vie, nos cellules musculaires se contractent et se détendent en raison de l’action de deux protéines filamenteuses (actine et myosine) qui se glissent l’une sur l’autre. Après la mort, les cellules sont privées de leur source d’énergie; les muscles deviennent alors tout rigides, et verrouillent les articulations. Au cours de ces premiers stades, l’écosystème cadavérique se compose principalement de bactéries déjà présentes alors que nous étions en vie. Chaque partie de notre corps accueille en effet une communauté microbienne spécialisée. La plus grande de ces communautés réside dans l’intestin (sans surprise), qui accueille des milliards de bactéries, et peut-être des milliers d’espèces différentes.

Le microbiome intestinal est l’un des sujets de recherches les plus étudiés du moment en biologie. Nous savons aujourd’hui que celui-ci joue un rôle dans pléthore de conditions et de maladies, de l’autisme à la dépression, en passant par le syndrome du côlon irritable et l’obésité. Mais les chercheurs n’en savent à ce jour que très peu sur ces passagers microbiens, et encore moins lorsque nous mourrons. Une étude menée en 2014 menée par le spécialiste en médecine légale Gulnaz Javan, de l’Alabama State University à Montgomery, suggérait en revanche que peu de temps après la mort, le système immunitaire cessant de fonctionner, permettait aux bactéries de se propager librement dans tout le corps, et que cela commençait habituellement dans l’intestin, à la jonction entre le petit et le gros intestin.

Selon les chercheurs, ces bactéries intestinales commencent à digérer les intestins de l’intérieur, en utilisant le même cocktail chimique qui évacue les cellules endommagées comme source de nourriture. Puis ils envahissent les capillaires du système digestif et des ganglions lymphatiques, se répandent d’abord sur le foie et la rate, puis dans le cœur et le cerveau. L’étude de Javan suggérait une « horloge microbienne » assez précise. Il a en effet montré que les bactéries atteignaient le foie environ 20 heures après la mort et qu’il leur fallait au moins 58 heures pour se propager à tous les organes.

Ainsi la putréfaction est enclenchée. Celle-ci est associée à un changement marqué des espèces bactériennes aérobies, qui nécessitent de l’oxygène pour se développer, à celles anaérobies qui ne peuvent se cultiver qu’en l’absence de l’air ambiant ou de l’oxygène. Celles-ci se nourrissent ensuite des tissus du corps, en fermentant les sucres pour produire des sous-produits gazeux tels que le méthane, le sulfure d’hydrogène et l’ammoniac, qui s’accumulent dans le corps et gonfle l’abdomen. Cela provoque une décoloration supplémentaire du corps. Comme les cellules sanguines endommagées continuent à fuir des vaisseaux en désintégration, les bactéries anaérobies convertissent les molécules d’hémoglobine, qui ont autrefois transporté de l’oxygène autour du corps, dans la sulfamoglobine. La présence de cette molécule dans le sang donne au corps un aspect « marbré », noir ou verdâtre, caractéristique d’un corps subissant une décomposition active.

Lorsqu’un corps en décomposition commence à purger, il devient alors pleinement exposé à son environnement. À ce stade, l’écosystème cadavérique s’installe « vraiment ». Deux espèces étroitement liées à la décomposition sont les mouches et les mouches bleues. Les cadavres dégagent une odeur maladive composée d’un cocktail complexe de composés volatils qui change à mesure que la décomposition progresse. Les insectes détectent alors l’odeur en utilisant des récepteurs spécialisés sur leurs antennes, puis atterrissent sur le cadavre et déposent leurs oeufs dans les orifices et les plaies ouvertes.

Chaque mouche dépose environ 250 œufs qui éclosent dans les 24 heures, donnant naissance à de petits asticots. Ceux-ci se nourrissent de la chair pourrie, puis se moulent dans des larves plus grandes, qui se nourrissent pendant plusieurs heures avant de muer à nouveau. Engraissées, ces larves se transformeront ensuite en mouches, et le cycle se répète jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à manger. La présence de mouches attire les prédateurs tels que les coléoptères, les acariens, les fourmis, les guêpes et les araignées, qui se nourrissent ou parasitent les œufs et les larves des mouches. Toutefois, en l’absence de charognards, les larves sont responsables de l’élimination des tissus mous.

Lorsqu’il ne reste plus rien à manger, les larves s’en vont; leurs chemins de migration peuvent même être observés après la fin de la décomposition, comme des sillons profonds dans le sol qui émanent du cadavre. Selon une estimation, un corps humain moyen se compose de 50 à 75% d’eau, et chaque kilogramme de masse corporelle sèche libère finalement 32 grammes d’azote, 10 grammes de phosphore, 4 grammes de potassium et 1 gramme de magnésium dans le sol. Dans un premier temps, le corps décomposé tue une partie de la végétation sous-jacente et environnante, peut-être en raison de la toxicité de l’azote ou à cause des antibiotiques retrouvés dans le corps qui sont sécrétés par les larves d’insectes lorsqu’ils se nourrissent de la chair.

Mais en fin de compte, la décomposition est bénéfique pour l’écosystème environnant. La biomasse microbienne entourant le cadavre est plus riche que dans les environs. Les vers de nématodes, associés à la désintégration et attirés par les nutriments filtrants, deviennent plus abondants, et la vie végétale devient alors plus diversifiée. Par ailleurs, des recherches supplémentaires sur la façon dont les corps en décomposition altèrent l’écologie de leur entourage peuvent fournir une nouvelle façon de retrouver des victimes de meurtre dont le corps a été enterré dans des tombes peu profondes. L’analyse des sols, elle, pourrait également fournir des indices quant à l’heure du décès.

(Bon appétit)

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